Diagnostic optique en mécanique des fluides : sophistication et diversification au menu 2011

Jean-Pierre Prenel
2011 Photoniques  
La cause est entendue, la prévision « à la Nostradamus » d'une disparition programmée pour le début du XXI e siècle de l'expérimentation en mécanique des fluides au profit des seuls modèles s'est révélée fausse. Bien sûr, les modèles ont fait des progrès considérables, mais rares sont les scientifiques radicaux qui nient encore la nécessité d'un calage et d'une validation par des moyens expérimentaux. D'ailleurs, les modèles purement prédictifs, en science comme en économie ou en finance, ont
more » ... ntré, après une période d'euphorie, la nécessité d'une approche plus modeste et plus rationnelle. La science implique toujours le doute... L'expérimentation, loin de disparaître, a donc encore élargi sa place au soleil depuis notre dernier bilan. Les mêmes progrès techniques qui ont fait le bonheur des modélisateurs ont permis également la sophistication des moyens de mesure, plus précis, plus rapides mais aussi de plus en plus fiables. Indépendamment de la polémique très médiatique et politique qui accompagne la chasse au CO 2 , la prise de conscience, lente mais réelle, de la nécessité d'économiser l'énergie s'est révélée être l'une des puissantes motivations des chercheurs et des ingénieurs utilisant la mécanique des fluides, puisque cette discipline constitue l'une des bases de l'énergétique. Même si des progrès restent à réaliser, il suffit de comparer à prestations égales la consommation des véhicules thermiques des années 1980 et celle de la génération actuelle pour constater que le progrès fait son oeuvre. Dans ce domaine, l'association étroite entre expérimentation et modélisation constitue une réussite évidente. Pourquoi toujours plus d'optique dans cette évolution ? La mécanique des fluides a longtemps été le domaine de prédilection des capteurs localisés, utilisés individuellement ou à la rigueur en réseaux, linéaires ou plus rarement matriciels. Purement mécaniques, thermiques ou thermomécaniques, ils restent d'actualité dans de nombreux domaines industriels. Les sondes de Pitot, révélées malheureusement au grand public à travers un événement rare mais particulièrement tragique, rendent de grands services depuis leur introduction en aéronautique, après avoir été proposées, dès 1732, par leur inventeur (français) pour mesurer la vitesse des liquides. Les avantages de ces capteurs sont bien identifiés : le plus souvent simples, robustes et peu coûteux, ils sont aisément couplés aux moyens électroniques et infor-matiques modernes de la métrologie. Ce mariage leur a donné une seconde jeunesse. Leurs inconvénients ont ouvert la porte à l'optique très tôt dans l'histoire de la mécanique des fluides : -par nature, ils sont perturbants, générant tourbillons et sillages ; la première réponse fut la miniaturisation, très développée dès les années 1980, mais vite compensée par la réduction d'échelle de certains écoulements : microfluidique, et aujourd'hui tendance vers la nanofluidique ; -par leur principe même, ils donnent des informations locales, limitation difficilement combattue par leur organisation en réseaux, le balayage mécanique dans l'espace n'apportant qu'une réponse partielle, limitée à l'étude des phénomènes stationnaires ; -par leur conception, ils résistent avec peine à des écoulements rapides : vibrations, voire rupture. La réponse passant par une amélioration du comportement mécanique se traduit le plus souvent par une augmentation de volume et donc une aggravation du caractère perturbant. Ils restent toutefois d'actualité pour les écoulements à moyenne ou grande échelle. Les sondes de Pitot, déjà citées, restent ainsi présentes sur les aéronefs, mais aussi sur les monoplaces de Formule 1. C'est pourquoi les pionniers de la mécanique des fluides ont cherché à remplacer les capteurs par des faisceaux de lumière, pratiquement sans interaction avec le fluide et permettant l'observation simultanée d'un plein champ. Mécanique des fluides CAHIER TECHNIQUE Diagnostic optique en mécanique des fluides : sophistication et diversification au menu 2011 En juillet 2008, nous écrivions dans Photoniques n° 36 : « La caractérisation des fluides par moyens optiques se porte bien malgré son âge ». Nous évoquions également la percée significative des pays asiatiques dans ce domaine d'activité. Qu'en est-il trois ans plus tard ? Pas de rupture scientifique ou technologique, mais comme le bon vin, la discipline s'est encore bonifiée avec le temps. Quant à l'Asie, comme dans bien d'autres domaines, elle confirme sa place de leader.
doi:10.1051/photon/20115629 fatcat:dhh4j5g63fbwpb6pira6t3xba4