Camenae n°5-novembre 2008
Marie-Elisabeth Boutroue
unpublished
A ceux qui croiraient que les pharmacopées de l'Antiquité ou de la Renaissance doivent être renvoyées à un passé à jamais aboli, la lecture de publications, récentes ou plus anciennes, se réclamant de la phytothérapie ou de quelque autre médecine dite naturelle apporterait un démenti flagrant 1. Comme les ouvrages de médecine ancienne, ils mettent l'accent sur les causes psychologiques ou physiologiques de l'insomnie et comme eux, encore, proposent une batterie de plantes ou de médicaments
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... sés à base phytothérapeutique pour lutter contre l'absence de sommeil, les mauvais rêves ou le somnambulisme. Dans l'ensemble des plantes supposées faciliter le sommeil, ces ouvrages présentent de grands classiques de la médecine familiale : l'aubépine en infusion, en décoction ou en teinture mère parce la plante a une action directement sédative ; la camomille, la mélisse ou le tilleul qui procurent le sommeil en calmant le patient. La verveine ou l'oranger peuvent être également utiles, le second en particulier parce qu'il permet de lutter contre l'insomnie liée au stress ou à d'éventuels problèmes digestifs. D'autres plantes procurent le sommeil non pas directement, mais en agissant sur les causes supposées de l'insomnie. Ainsi les plantes qui calment la nervosité comme le lotier corniculé ou celles qui agissent sur la douleur articulaire qui empêche le malade de dormir : l'arnica, la bardane ou le basilic. On peut également ajouter aux plantes précédemment mentionnées le chardon-béni ou les endives. Avec beaucoup de prudence, les auteurs de ces traités de vulgarisation médicale appellent l'attention du malade devenu pharmacien amateur, lorsqu'il s'agit de plantes aussi actives que le pavot ou le romarin ou mettent en garde contre les erreurs de détermination qui pourraient avoir pour conséquence de confondre l'angélique et la cigüe. S'il n'est pas question ici de se prononcer sur les effets supposés ou avérés de telle plante, il semble en revanche remarquable de noter dans ces textes le recours fréquent à la littérature pharmacologique ancienne, de l'Antiquité au XIX e siècle, en gage d'autorité semble-t-il. Ainsi rappelle-ton que Cicéron a vanté les mérites de la mauve comme 1 Comme cette littérature se caractérise par son infinie abondance, il semble parfaitement vain de tenter de dresser ici une bibliographie critique sur ce point. Les remarques qui suivent s'appuient arbitrairement sur les ouvrages suivants : J. Labescat et S. Raynaud, Bien dormir grâce aux plantes, Paris, Rustica éditions, 2007 et S. Verbois, Les plantes du sommeil, Paris, Delville Santé, 2006 ; J. Huibers, Les plantes qui font dormir, Apt, 1979 pour la traduction française. Les points communs de ces ouvrages sont la prise en compte d'une pharmacopée fondée sur une tradition très ancienne, l'idée que les plantes répondent à des types d'insomnie nettement caractérisés et, dans une certaine mesure, l'allégeance à la médecine homéopathique. On y trouve quelquefois également une dimension ésotérique tout à fait étonnante, par exemple dans le petit ouvrage de J. Huibers, à propos de la camomille : « De même que le millepertuis, la camomille convient à celui qui a du mal à conserver son je, son libre arbitre, qui travaille trop et qui est dénaturé par trop d'efforts unilatéraux » (p. 55).
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