« La Valse des adieux » : une fable pour l'avenir
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Édouard Béguin
2013
Recherches croisées Aragon - Elsa Triolet, n°14
La question posée par le cours de l'an dernier, celle de la poésie comme récit, est si vaste, si difficile (peut-être également si confuse, en ce qu'elle oblige à combiner une définition théorique et une approche historique de la poésie), qu'il n'a guère été possible en un an que d'en analyser les termes et de n'en traiter, dans le cadre des lettres médiévales, qu'un aspect, celui de la poésie du dit. Cette année, on a tenté d'approfondir l'examen de cette question à travers l'examen d'oeuvres
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... rès particulières, que nous a léguées le Moyen ge occitan, des oeuvres souvent considérées dans l'ordre littéraire avec condescendance, mais qui exercent sur leur lecteur une séduction extrême, dont il aurait tort de rougir : les récits et les commentaires en prose qui accompagnent dans certains manuscrits les chansons des troubadours. Exemple parfait, semble-t-il : des récits fondés sur des poèmes. Exemple parfait ? Voire. Car des récits sur la poésie peuvent n'avoir rien de commun avec la poésie comme récit ou même avec la poésie tout court. C'est même l'opinion la plus commune s'agissant de ces récits-là. Elle n'est pas fondée. Il a fallu pour le montrer -et tel a été, dans ce cours, l'essentiel du travail -examiner de près la relation de ces récits aux poèmes qu'ils prétendent commenter, dégager l'idée, évidemment implicite, de la poésie qui les fonde et qui les guide, nous demander s'ils ne relèvent pas eux-mêmes de la poésie. Les vidas et les razos des troubadours n'ont pour raison d'être que de préparer à l'audition de leurs poèmes, de les annoncer, de les expliquer, d'en rendre raison (razo). Ces récits tirent leur substance de poèmes. Ils n'existent que par eux. Ils entretiennent donc avec la poésie des relations plus étroites qu'aucun autre de ceux que nous a laissés le Moyen ge. Pourtant, ils sont en prose. Tant d'autres récits brefs, au Moyen ge, sont en vers : les lais, les dits, les fabliaux français, les novas occitanes, les romances espagnols, les Canterbury Tales de Chaucer et une infinité d'autres, composés dans toutes les langues de l'Europe. Pour ne rien dire des formes narratives longues versifiées, chansons de geste et romans. Rien de plus naturel : dans la genèse et dans la jeunesse de toutes les 5983$$
doi:10.4000/books.pus.7125
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