Cahiers d'Études sur la Représentation N°2-décembre 2017 L'autofiction : un détour nouveau de la littérature
Sallem Azouzi
unpublished
1. Soubassements théoriques de l'autofiction C'est un article embarrassant, celui d'Alexis Brocas où il brouille davantage les concepts du récit de vie. Il invite le lecteur à se prémunir des idées reçues concernant l'autofiction et les récits de vie en général. OEuvrant sur trois ouvrages : Le Défi biographique d'Ann Jefferson, Essai à la troisième personne de Paul Nizan, Brefs récits pour une longue histoire de Roger Grenier, le critique prône le primat du « [...] caractère crucial que revêt
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... e choix entre je et il à l'heure où les relations entre littérature et biographie sont de plus en plus inextricables. » 1 Traiter le sujet de l'autofiction s'avère d'ores et déjà une entreprise imprudente et si l'on veut être d'obédience aristotélicienne (pionnier incontesté de la critique littéraire), le projet est toujours relégué dans le mystère et l'énigmatique, puisqu'Aristote invoque la manière d'imiter les faits pour différencier les genres ; une telle différenciation ne tranche pas, ne résout pas le problème des voix dans les ouvrages à tendance égotiste : Il y a encore une troisième différence entre ces arts : c'est la manière d'imiter ces divers objets. / Il est possible d'imiter les mêmes objets par les mêmes moyens, soit par le récit (on peut le faire par la voix d'un autre, comme le fait Homère, ou en gardant sa propre voix sans la changer), soit en présentant tous les personnages comme engagés dans une action. 2 Cette action est justement de mise dans les écrits autofictionnels, sous des formes nouvelles se démarquant des formes ordinaires et habituelles au lecteur potentiel. Nous essayerons de définir le concept inventé par Serge Doubrovsky, puis nous attaquerons quelques spécificités qui lui sont inhérentes, notamment le flou et l'ambiguïté. Nous conclurons par un arrêt sur un ouvrage : Rue des boutiques obscures. Parler de soi est passé par des étapes. Si Aristote s'inscrivait en faux par rapport au récit de vie tout en essayant de nous convaincre que l'homme idéal ne parle ni de lui-même ni des autres, l'époque chrétienne incitait le croyant à faire retour sur lui-même. Les confessions 1 Brocas Alexis, « Je suis lui », in Le Magazine Littéraire de décembre 2012, p. 18 2 ARISTOTE, La poétique, Editions mille et une nuits, mars 1997, p. 10
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