L'utilisation des conceptions du public lors de la diffusion d'un concept complexe, celui de développement durable, dans le cadre d'un projet en muséologie

Francine Pellaud, André Giordan
2000
Tableau du chapitre 4 Tableau IV/I Coupe transversale de l'espace architectural du projet "Objectif Terre" 405 Avant propos Quelle que soit la longueur du texte proposé, une thèse ne peut être que réductrice. Ceci d'autant plus que le sujet traité offre au lecteur des pistes aussi vastes que celles du développement durable, de la complexité, et de leur approche dans l'éducation scolaire et informelle. Concernant cette dernière, nous avons dû nous résoudre à n'en aborder qu'une certaine frange,
more » ... a plus structurée, la plus organisée, la plus (re)connue aussi, celle qui présente un certain nombre de liens avec son homologue formelle. Pourtant, ce n'est peut-être pas celle-ci qui façonne le plus les idéaux. Entre utopie et idéalisme, nous pourrions sans difficulté placer le mot "adolescence". Moment privilégier de toutes les grandes décisions, de toutes les ambitions, de toutes les désillusions aussi, cette période de la vie a une particularité qui lui est propre, due à l'intensité des sentiments vécus. Or, ces sentiments sont souvent exacerbés par tous ces moments de "culture sauvage" hors d'atteinte de toute quantification, de toute évaluation, de toute surveillance statistique. Entre les romans d'aventure et de science-fiction, entre les biographies de héros ou d'anti-héros, entre les bandes dessinées et la musique, toute une part de la vie culturelle des jeunes est souvent oubliée, minimisée, reléguée à ce "négligeable" dont l'adulte aime affubler les données qu'il ne peut maîtriser. C'est pour rappeler que cette culture existe, et qu'au fil du temps, elle a certainement participé à faire germer cette "déviance", si importante dans la non reproduction parfaite de la société selon le "principe récursif" de Morin (1977Morin ( , 1999) que j'ai introduit au fil des pages quelques illustrations tirées de bandes dessinées, et que j'ai illustré mes têtes de chapitres par des paroles de chansons. Celles-ci ne sont-elles pas des cris du coeur, le moyen d'expression le plus simple, mais aussi le plus fort pour toute une frange de la population?. Mon adolescence fut très courte, pourtant je dois avoir oublié de la quitter. Ou alors, ai-je gardé de ces nuits étoilées, alors que je croyais encore en un dieu, l'intensité et la fougue de mes prières pour un monde meilleur. Zorro du XXe siècle, je m'imaginais chevauchant un "Tornado" aussi noir que la révolte que je sentais monter en moi en écoutant les informations du journal télévisé et en observant, passive, l'irresponsabilité des adultes. J'ai toujours su qu'il y avait quelque chose à faire. J'ai toujours voulu croire en l'homme, en sa force créative, en sa volonté de ne pas tout gâcher. C'est peut-être pour sauver mes rêves que j'ai travaillé cette thèse. Avant de livrer le lecteur aux affres d'une écriture ardue, je tiens encore à remercier tous ceux qui, par leur patience, leurs paroles, leurs regards, leurs gestes, le temps qu'ils m'ont accordé et celui qu'ils m'ont laissé prendre, ont participé de près ou de loin à ce travail. Merci à tous ceux qui ont partagé, si ce n'est mes nuits, du moins mes rêves... ...et plus particulièrement à Laurent sans qui je n'aurais jamais osé me lancer dans des études universitaires, et à André qui me permet de les terminer. 3 UNESCO (1997) Eduquer pour un Avenir Viable: une vision transdisciplinaire pour l'action concertée, Conférence Internationale, Thessalonique, éd. Unesco et le Gouvernement de la Grèce, p. 37 4 QUEAU, P. (1999) Cyberculture et info-éthique in Relier les connaissances, sous la dir. d'E. Morin, Seuil, p. 378 5 FOTTORINO, E. (1999) Le rat des villes n'est pas l'allié du rat des champs in L'Hebdo no 46, 18 nov. 1999, propos recueillis par M. Audétat Avec un matin dans le coeur Il serait temps que l'homme pleure Le diamant des jours meilleurs. Assez, assez! Crient les gorilles, les cétacés, Arrêtez votre humanerie. Nougaro, 1980, Assez! 1.1.1.1. Définition "Le développement durable satisfait les besoins des générations présentes sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire leurs propres besoins 10 ". Telle est la définition donnée à ce concept dans le Rapport Brundtland en 1987. Comme le rappelle le Conseil du développement durable suisse (1997), cette "prise en considération des besoins" ne s'appuie que sur une base éthique. Qu'est-ce qu'un besoin? Ou plutôt, où s'arrête le "superflu" et où commence le "besoin"? La question est délicate et laisse planer une ambiguïté évidente. Elle sous-entend même une autre question, celle de savoir à qui revient le droit de décider de ce qu'est un besoin. Dans notre travail, nous avons donc abandonné la notion de besoin, trop vague, au profit de termes plus précis. Nous nous sommes inspirés pour une part du texte de Marin (1996), qui donne à ce concept une définition qui résume ses finalités: "Repenser les nouvelles bases d'un projet de société planétaire qui puisse garantir notre survie et notre reproduction historique dans un cadre d'harmonie et de réciprocité avec l'environnement. 11 " Cette définition montre bien qu'il ne suffit pas d'intégrer l'aspect écologique dans le cadre de la production 10 Rapport Brundtland cité par ESEMBERT, B. (1996) Le développement durable: une clé pour le XXIe siècle in 12 Questions d'actualité sur l'environnement, Ministère de l'Environnement, Z'édition, Nice, p.132 11 MARIN, J. (1996) Développement durable et dimension interculturelle in 12 Questions d'actualité sur l'environnement, Ministère de l'Environnement, Z'édition, Nice 8 économique, mais qu'il s'agit de repenser les fondements essentiels de notre société. En effet, les valeurs individualistes se perdent au profit de la "reproduction historique", en d'autres termes, la survie de l'espèce humaine. Le "projet de société planétaire" implique une vue globale, systémique, non géocentrique, qui oblige à repenser des notions telles que la solidarité, l'équité, le partage. L'"harmonie" et la "réciprocité avec l'environnement" obligent à inclure des valeurs écologiques au rendement économique. Néanmoins, cette définition ne laisse qu'entrevoir le respect des différentes cultures, ainsi que l'importance de la relation des pôles écologique et social avec l'économie. Qui plus est, les définitions évoquées restent impersonnelles, la responsabilité de la mise en oeuvre de ce processus n'apparaît nulle part, pas plus que les moyens d'action pour y parvenir. Enfin, l'idée même de processus, c'est-à-dire d'un projet qui se déroule dans le temps, comme le suggère le terme de durable, n'est pas non plus mis en exergue. Nous avons donc cherché à formuler une définition qui mette en avant les principales finalités du développement durable et qui soit en outre facilement accessible au grand public: Il faut voir le développement durable comme un processus adaptable aux différentes cultures, tout en gardant un but universel de protection de l'homme et de son environnement dans des buts qualitatifs plutôt que quantitatifs. Il s'agit de tenir compte des implications écologiques, sociales et économiques qui sont indissociables de toute action ou activité humaine, quelle qu'elle soit 12 . Avec cette définition, nous avons fait ressortir les cinq points qui nous paraissent primordiaux pour comprendre, ou du moins appréhender ce concept: 1. une vision d'une mondialisation qui soit entreprise dans le respect des cultures, 2. les objectifs qualitatifs qui sous-tend la protection de l'homme et de son environnement, 3. les interactions entre les différents domaines économie-écologie-développement social, 4. la notion de processus qui suggère la durée dans le temps, 5. la participation active à tous les niveaux de décision, de l'individu aux gouvernements, voire aux organisations internationales, qui apparaît à travers la locution "toute action ou toute activité humaine, quelle qu'elle soit". Naissance du concept Le vocable de "développement durable" vient de la traduction de la formule anglaise "sustainable development" qui n'a pas de correspondance exacte en français. Le choix de la dénomination de ce concept ne fait pas l'unanimité. D'autres propositions avaient été évoquées, telles que "développement viable" ou d'"écodéveloppement". Si le premier laisse une impression de survie quelque peu minimaliste, le deuxième reste trop proche du terme écologie. "Si c'est le terme développement durable qui a été retenu, c'est parce qu'il ne faisait pas explicitement référence à l'écologie ou à l'environnement. Il effarouchait moins les défenseurs traditionnels du développement que le mot écologie horripilait 13 "explique le sociologue Jean-Guy Vaillancourt. Pour Lucie Sauvé, "le concept est flou. (...) Le développement durable propose la durabilité du développement lui-même. Mais de quel développement s'agit-il? Il y a place pour diverses conceptions, dont la plus courante justifie la poursuite, voire même la mondialisation, d'un même modèle de développement néo-libéral, celui-là même qui cause problème, pourvu qu'on 12 Cette définition est celle qui a été utilisée tout au long de nos entretiens ( chapitre 3) 13 VAILLANCOURT, J-G. cité par SAUVE, L. (1998) L'éducation relative à l'environnement et la perspective du développement durable in Les cahiers Millénaires trois no 4, Grand Lyon, Mission Prospective et Stratégie d'agglomération, Lyon 14 SAUVE, L. (1998) L'éducation relative à l'environnement et la perspective du développement durable in Les cahiers Millénaires trois no 4, Grand Lyon Prospective misère humaine, l'analphabétisation, la famine et les épidémies qui l'accompagnent apparaissent de manière flagrante aux yeux du monde occidental. 1.1.1.3. Le concept à travers les conférences des Nations Unies En réponse à cette situation, les Nations Unies mettent sur pied la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) qui se déroulera à New York en 1968. Celle-ci doit représenter les intérêts du Sud dans un commerce plus équitable en vue de rétablir un certain équilibre dans la répartition des moyens et des ressources. Liée très fortement au développement social et économique elle est complétée, en 1972, par la notion d'environnement dans le sens d'une protection et d'une solidarité dans le temps avec les générations futures. Bien que la dénomination de "développement durable" n'apparaisse pas encore, les conclusions de la conférence mondiale sur l'Environnement Humain, qui réunissait 113 états à Stockholm, mettent en avant les interactions et les interdépendances qui existent entre les pôles économie, écologie et société. "La Conférence de Stockhom releva clairement qu'il ne fallait pas considérer isolément les problèmes écologiques actuels et futurs et qu'une solution acceptable ne pourrait y être apportée que dans la mesure où l'on reconnaîtrait que leurs véritables causes étaient la pauvreté et le sous-développement, d'une part, ainsi qu'une consommation excessive et un gaspillage des ressources, d'autre part. 15 " La consécration des termes même de "développement durable" n'apparaît qu'en 1987 avec les conclusions de la Commission Mondiale pour l'Environnement et le Développement, plus connue sous la dénomination de "Rapport Brundtland", du nom de sa présidente. Cette commission indépendante, mandatée par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1983, avait pour tâche d'élaborer une stratégie internationale à long terme, intégrant pour la première fois l'environnement au développement économique. L'intérêt essentiel de ce rapport est, d'une part, "la quantité de données et d'informations collectées sur l'état actuel de la planète" et, d'autre part, "la mise en évidence des relations étroites qui existent entre les problèmes majeurs de notre temps et les nécessités dictées par le nouveau concept de développement durable. 16 ". Pour la première fois, les dangers qui menacent, si ce n'est la survie de notre planète, du moins celle de notre espèce, sont réellement reconnus comme tels. Le coup d'envoi d'une action pratique en faveur du développement durable ne se fera qu'en juin 1992, lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement qui eut lieu à Rio de Janeiro. En plus de la signature de trois conventions concernant le changement climatique, la diversité biologique et la désertification, de la Déclaration de Rio et des principes cadres sur la protection des forêts, un plan d'actions concrètes est mis au point: l'Agenda 21.
doi:10.13097/archive-ouverte/unige:97 fatcat:qyha4cec5jcnjeymgz4qhl7aza