Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales et historiques
Wolfgang Schluchter
2013
Trivium
Éditeur Les éditions de la Maison des sciences de l'Homme Référence électronique Wolfgang Schluchter, « Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales et historiques », Trivium [En ligne], 13 | 2013, mis en ligne le 28 février 2013, consulté le 30 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/trivium/4441 Ce document a été généré automatiquement le 30 avril 2019. Les contenus des la revue Trivium sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons
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... -Pas d'Utilisation Commerciale -Pas de Modification 4.0 International. Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales et historiques Trivium, 13 | 2013 1 définir comme des faits sociaux dotés d'un aspect cognitif et d'un aspect normatif. En effet, tout comme les premiers systèmes d'actions, les premiers systèmes de pensée étaient pour lui d'origine religieuse : « Il n'est pas de religion qui ne soit une cosmologie en même temps qu'une spéculation sur le divin 4 ». Sur le divin, notons-le bien, et pas nécessairement sur Dieu ou les dieux. En effet, les religions connaissaient l'un et l'autre : la personnalisation de l'être suprême dont nous nous sentons tributaires n'était donc pas, selon Durkheim, le critère de définition décisif du fait religieux. Cela aussi, le sociologue l'avait déjà noté dans sa première tentative de définition, en se référant au bouddhisme. Par suite, le point de vue qu'il privilégiait dans la définition du fait religieux était la distinction entre le sacré et le profane. Les faits religieux, même simples, procédaient selon lui de convictions religieuses et de rites destinés à creuser un fossé infranchissable entre le sacré et le profane et, en même temps, à permettre de le franchir. Il en allait de même des faits religieux complexes, notamment dans les religions élevées : « Toutes les croyances religieuses connues, qu'elles soient simples ou complexes, présentent un même caractère commun : elles supposent une classification des choses, réelles ou idéales, que se représentent les hommes, en deux classes, en deux genres opposés, désignés généralement par deux termes distincts que traduisent assez bien les mots de profaneet de sacré 5 ». Cependant, tout ou presque était susceptible de devenir sacré : « un rocher, un arbre, une source, un caillou, une pièce de bois, une maison, en un mot une chose quelconque peut être sacrée » -et aussi, justement, une personne ou un dieu 6 . 3 Deux genres opposés : telle est, ici, la mention la plus significative. En effet, pour Durkheim, il n'en va pas seulement, dans la distinction entre sacré et profane, des deux faces d'un seul et même phénomène, ni même d'une hiérarchie entre deux domaines de réalités qui se constitueraient par là-même, mais d'une altérité absolue. Le sacré est un domaine de réalité spécifique, qui tend à s'opposer au profane sur un mode antithétique. L'individu, au demeurant, participe de ces deux domaines de réalité. Mais ce n'est qu'à partir du moment où le sacré est organisé qu'il devient religion. Dans sa première définition du fait religieux, Durkheim n'avait pas prêté attention à ce trait caractéristique. D'où, peut-être, l'idée qu'il avait formulée dans la préface de la deuxième édition des Règles de la méthode sociologique : la sociologie est la science des institutions, de leur genèse et de leurs effets 7 . Quoi qu'il en soit, la définition élargie et approfondie du fait religieux tient compte de cet aspect. La voici : « Une religion est un système solidaire de croyances et de Pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent 8 . » 4 Durkheim souligne que les aspects symboliques et institutionnels sont d'égale importance. Ce n'est qu'avec « l'Eglise » que les représentations religieuses et les règles d'action deviennent une « chose éminemment collective 9 ». Il se trouve ainsi amené, par ailleurs, à opérer une distinction entre magie et religion et à exclure la magie du domaine des affaires collectives 10 . [...] 5 On peut en dire autant d'une deuxième réflexion que Durkheim rattache à la distinction du sacré et du profane. En raison de la séparation, voire de la rivalité ou même de l'hostilité entre ces deux mondes, le monde religieux recèle toujours, du point de vue de Durkheim, une potentialité de refus du monde profane, en d'autres termes, une potentialité de refus du monde. Sur ce point aussi, Weber voit les choses très différemment. Chez lui en effet, le refus du monde d'inspiration religieuse présuppose l'évolution de la religion en religion de la délivrance. Durkheim ne s'intéressa que Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales et historiques Trivium, 13 | 2013 Wolfgang Schluchter est professeur à l'Université d'Heidelberg. Pour plus d'informations, voir la notice suivante. Le dualisme de la nature humaine et ses conditions sociales et historiques Trivium, 13 | 2013
doi:10.4000/trivium.4441
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