L'expérience, le film

Pierre-Damien Huyghe
2004 Le Télémaque  
Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Caen. © Presses universitaires de Caen. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque
more » ... re que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 23/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) © Presses universitaires de Caen | Téléchargé le 23/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Le Télémaque , n o 26 -La transmission -novembre 2004 -p. 55-68 DOSSIER : LA TRANSMISSION L'expérience, le film 1 à Jean-Marie Straub et Danièle Huillet pour Trop tôt, trop tard . Résumé : L'éducation doit à la fois transmettre des significations, des orientations, et permettre la rupture, "l'expérience de la brèche", de la décision intempestive, au risque de l'irruption de la brutalité. Il y aurait crise de l'éducation (de la transmission) quand l'articulation entre l'espace public et l'existence privée serait défaillante, quand la possibilité de la narration (la mise en récit) de l'expérience humaine se trouverait submergée par l'information (les nouvelles du monde), quand la socialisation de l'homme tomberait sous la règle de la stimulation externe immédiate, et non plus celle du recueillement et de la nudité. Avec W. Benjamin, l'auteur voit dans le film un symptôme (ou une métaphore) de cette situation ; il procède en effet par "à-coups", ruptures et dispersion, demande une attention inédite et indique une dimension nouvelle de la responsabilité. L'expérience de la brèche ' HOMME EST UN ÊTRE POUR LEQUEL IL Y A UNE BRÈCHE dans le temps. Cette brèche est la forme que prend l'instauration de l'expérience proprement humaine de la temporalité. Elle marque un antagonisme entre le présent et le futur, antagonisme sans lequel rien ne serait sauvé « de la ruine du temps historique et biographique » 2 . Si quelque chose demeure, si quelque chose survit (tout ce que nous pouvons appeler la culture), c'est parce que, dans la brèche humaine du temps, le passé et l'avenir se heurtent, c'est parce que, paradoxalement, le passé ne laisse pas advenir l'avenir sans condition. La tradition du passé, cette présence du passé qui implique une culture n'autorisent pas n'importe quel avenir à se présenter. Que la digue culturelle se rompe, et n'importe quel événement, n'importe quel futur peuvent à l'inverse se produire. Cette pensée, on le sait, appartient à Hannah Arendt et à son commentaire de Kafka. Le thème de la brèche provient d'une méditation sur le testament, à commencer par la tradition du nom (la présence d'une langue, d'un trésor de noms). Hannah Arendt écrit : 1. On trouvera une première version de ce texte dans les actes d'un colloque consacré à Walter Benjamin et publiés sous la direction d'Antonia Birnbaum sous le titre Tradition, transmission, enseignement. Une relecture de la modernité par W. Benjamin , Strasbourg, École supérieure des arts décoratifs, 1997. 2. H. Arendt, La Crise de la culture [1961], Paris, Gallimard, 1972, p. 24. L
doi:10.3917/tele.026.0055 fatcat:2a355itkwngahjy4htjnero2ui