Le débat francophone

Cyrille François
2010 Recherches et Travaux  
Pour le lecteur ordinaire, le syntagme « littérature francophone » semble aller de soi. Or, voilà deux décennies que la francophonie et la francophonie littéraire sont mises en débat -et les remous s'apaisent difficilement, en relation à la politique, l'Histoire, la culture  . En ligne de mire : la terminologie. L'épithète « francophone » est comme un tissu malmené que l'on déchire, distend, rétrécit... Ce n'est pas qu'une querelle d'érudits pointilleux : les écrivains s'y mêlent
more » ... avec un ton plus assuré et à grand renfort de propos généraux. Face à cet imbroglio, il s'agira dans ces pages, non de trancher le débat ou de prétendre en clarifier tous les tenants et aboutissants, mais au moins d'en poser quelques termes de façon synthétique. Mon point de départ sera le récent et polémique manifeste Pour une littérature-monde  . Dans un premier temps, comme dans les deux contributions précédentes, j'esquisserai un panorama des grandes tendances afin d'asseoir, ensuite, des propositions qui ne se voudront ni péremptoires, ni définitives : l'interrogation restera et doit rester ouverte. . Afin de défaire au plus tôt quelques noeuds et éviter quelques chausse-trappes, précisons d'emblée qu'il sera question ici de francophonie littéraire, non de francophonie politique ou linguistique : quoique liées, elle ne se recouvrent pas. Cette distinction est de taille : elle entre pour une bonne part dans le débat. La francophonie littéraire regroupe toute production littéraire en langue française. Traditionnellement, on en retranche la littérature française, soustraction qui fait justement débat. . M. Le Bris, J. Rouaud, Pour une littérature-monde, Gallimard, . Le débat francophone Recherches & Travaux -n o   Français ou francophonie ? Le débat Les termes du débat La parution en  du manifeste Pour une littérature-monde, dont nombre de signataires, autour de Jean Rouaud et Michel Le Bris, disposent d'une reconnaissance dans le champ littéraire français, prétendait apporter une solution au débat qui agitait depuis plusieurs années déjà le milieu universitaire. Ce débat, nul ne l'ignore désormais, oppose ceux qui maintiennent la différence entre littérature française et littérature francophone à ceux qui y voient une perpétuation de la politique culturelle colonialiste et préconisent en conséquence de tout rejeter en bloc pour empêcher de penser toute différence. Une première position dans ce débat pose l'équivalence entre littérature de langue française et littérature française. C'est la thèse d'Anne-Rosine Delbart, qui prône l'« addition de la littérature francophone à la littérature française  » plutôt que l'inverse. Ce point de vue est aussi celui d'André Brincourt dans son essai Langue française terre d'accueil  ou encore, pour des raisons différentes, de l'écrivain Nimrod, lorsqu'il déclare : Comment peut-on être francophone ? Justement, on ne le peut. [...] Senghor l'appellera « francophonie », c'est-à-dire une démonstration des qualités propres à la francité. Quant aux écrivains dits francophones, ce sont des Français à part entière, d'où qu'ils viennent  .
doi:10.4000/recherchestravaux.413 fatcat:7fjprrmtjravlmvsfa5rwzps6y