Architectures minimales

Bernard Oudin
2000 Les cahiers de médiologie  
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more » ... préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Gallimard | Téléchargé le 17/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) © Gallimard | Téléchargé le 17/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Less is more. Moins est plus. Le plus célèbre de tous les « éloges du moins » a été fait par un architecte. Et pas des moindres : au milieu du XXe siècle, Mies van der Rohe symbolisait l'attrait des bâtisseurs pour le minimalisme. Depuis des siècles, la manie de bâtir oscille entre deux pôles, le purisme et la surcharge. Avec ses stades intermédiaires, comme le classicisme français, et ses phases paroxystiques. Le mouvement de balancier est imprévisible, son ampleur irrégulière. Une seule constante : l'approche vers une phase de surcharge est progressive, alors que la phase de dépouillement survient brutalement. Tout se passe comme si un même style de construction ou de décoration ajoutait un élément après l'autre, tel un individu dont la maison se charge au fil des ans des acquis d'une vie. On est passé de l'art grec primitif à l'art hellénistique, ou du gothique primitif au gothique classique, puis flamboyant, ou encore du classique au baroque et du baroque au rococo. Au contraire le « moins » est une épuration, une mise au net, un coup de balai dans les oripeaux d'un univers qui croule sous ses propres excès. En quelques années, autour de 1750-1760, le rococo fait place au néoclassicisme, retour aux formes épurées de l'art antique. Au début du XXe siècle, une vingtaine d'années seulement séparent l'Art nouveau des premières oeuvres de Le Corbusier et de Mallet-Stevens. Il y a, dans le culte du moins, quelque chose d'intransigeant et de radical, évident dans les propos d'un Loos ou d'un Le Corbusier. Frédéric II écrivait à son architecte Knobelsdorff : « Je voudrais que la description de chaque élément de colonne à Charlottenburg prenne quatre pages. Cela me réjouirait. » À l'inverse, le purisme apparaît comme une démarche révolutionnaire, avec son côté « Du passé faisons table rase » et sa rage de guillotiner l'ornement superflu. Conservatisme contre modernité ? Rien n'est moins sûr. Ce n'est que le premier des malentendus dont le terrain est miné. Les styles marqués par la surcharge ont été souvent perçus comme décadents, mais ce jugement n'est pas sans appel. Au début du XXe siècle, ce qu'on a baptisé Art nouveau en Angleterre, Modern style en France, Jugendstil en Allemagne, Sezession en Autriche, Modernismo en Catalogne, Liberty en Italie, exprime sous des appellations variées une volonté de nouveauté, de modernisme, de jeunesse, de rupture. Après un siècle marqué par une architecture de référence (néo-romane, néo-gothique, néo-Renaissance mais toujours néo quelque chose), l'Art nouveau a été perçu à l'époque comme une avant-garde créative. Avec le recul, on l'a jugé décadent parce qu'il était passé de mode. Jusqu'à ce que la mode, par définition versatile, rejoue en sa faveur. Les oeuvres d'un Gaudi à Barcelone, regardées il y a cinquante ans comme des curiosités issues d'un cerveau malade, attirent aujourd'hui des cohortes de visiteurs. Même chose pour les châteaux baroques ou les églises rococo, à peine mentionnés dans les guides du début du siècle. Si le « plus » peut être aussi novateur que le « moins », leur démarche est-elle similaire ? Pas tout à fait, car une oeuvre peut être nouvelle sans pour autant être « moderne ». Les deux concepts ne se recouvrent pas. Le « plus » 64
doi:10.3917/cdm.009.0063 fatcat:v36s5xoivrdvzptwsubkypufou