L'éthique est une affaire de dilemmes et de limites / Il faut poser des limites, même imparfaites
2009
Bulletin des Médecins Suisses
Ma prise de position sur assistance au suicide et «fatigués de la vie»(ce terme est évidemment une simplification discutable, qu'on permette cependant de l'utiliser dans le présent débat) a suscité des réactions, notamment des Drs Hinz [1] et Hirzel [2]. J'en ai reçu d'autres soulevant les mêmes questions. Mon opinion peut être ressentie comme incomplètement cohérente et l'expérience de ces confrères mérite considération. D'abord, quelques remarques générales: -J e m'efforce de ne pas juger les
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... autres ou leurs motivations, que je respecte a priori. -A u cours de ma carrière dans une position qui demandait de traiter des cas difficiles au plan médico-légal ou médico-éthique, j'ai observé que beaucoup de situations n'ont aucune solution idéale mais seulement des mauvaises et des moins mauvaises. Je me suis toujours efforcé de m'approcher de la moins mauvaise. -D e plus en plus, il m'est apparu important d'étudier attentivement, et de distinguer, les enjeux de telle ou telle question du point de vue de la personne individuelle libre et responsable, d'une part, et du point de vue de la collectivité d'autre part. J'ai été passionné par la recherche de la juste mesure dans l'intervention ou pas de l'Etat, des pouvoirs publics, dans les dossiers dont j'avais à m'occuper. -C 'est cette dernière considération qui m'habite à propos de l'offre organisée (de type Exit) d'assistance au suicide à des «fatigués de la vie». -Je suis très préoccupé par l'absence de limites objectivement posables, définissables, défendables, dans les graves questions bioéthiques actuelles; je réalise que, dans la diversité des situations et des souffrances des personnes demandant l'aide d'Exit, il n'y a pas non plus de limite aisément définissable entre les cas où une offre organisée est acceptable et ceux où elle est à mon sens problématique. A propos maintenant de la situation suisse en matière d'assistance au suicide (cf. article 115 du Code pénal): -J e suis attaché au droit strict de la personne capable de discernement de décider de mettre un terme à ses jours. Etant entendu, dans la mesure où la perte d'une vie humaine doit toujours être déplorée, qu'il y a un devoir de la collectivité de prévention du suicide, notamment par les services de santé. -I l est très important de voir qu'il s'agit là d'un droit-liberté et pas d'un droit-créance, à savoir: la personne ne peut pas exiger de la collectivité ou de l'Etat de lui donner les moyens de concrétiser son droit. -J e n'ai pas de problème, me basant sur des considérations de bon sens et d'acceptabilité sociale, quand des organisations (Exit) offrent une aide à des personnes souffrant gravement et proches de la fin de leur vie. -P ar contre, s'agissant de «fatigués de la vie», je ne crois pas acceptable -et potentiellement délétère pour la communauté -d'organiser l'aide à des pulsions suicidaires, mettant ainsi à disposition de tout un chacun les moyens de passer à l'acte, pour n'importe quel motifmême si n'importe quel motif peut être respectable. -C ela entraînerait une responsabilité de la collectivité que celle-ci ne doit pas assumer. Parce que la situation est différente de celle où on prend acte du fait qu'une vie s'achève un peu plus tôt que naturellement. Je saisles Drs Hinz et Hirzel le relèvent-que cela a l'air de pousser la personne non gravement malade à recourir à des moyens violents (sauter d'un pont, se jeter sous le train, utiliser une arme à feu, s'ouvrir les veines) ...Aucun système n'est parfait, chaque modèle a des aspects moins qu'optimaux. Mais on ne saurait justifier des «Drive-in» (des supermarchés, dit Peter Hirzel) du suicide par la volonté d'éviter certaines morts spectaculairement choquantes, -Toutefois:l e droit-liberté de ces «fatigués de la vie» de mettre un terme à leur existence subsiste. Dans une situation individuelle où un médecin traitant, un ami, est arrivé à la Bulletin des médecins suisses | Schweizerische Ärztezeitung | Bollettino dei medici svizzeri | 2009;90: 6 217
doi:10.4414/bms.2009.14113
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