Gérer sa croissance : le cas des associations de solidarité et humanitaires depuis les années 1940

Axelle Brodiez
2009 Entreprises et Histoire  
Les associations de solidarité et humanitaires ont connu depuis les Trente Glorieuses un renouveau et une croissance exceptionnels, qui les placent aujourd'hui à la tête de budgets parfois colossaux et de masses salariales comparables aux moyennes, voire aux grandes entreprises. Au prisme plus spécifique de deux cas et de deux matrices idéologiques, Emmaüs et le Secours populaire français, il s'agit ici de comprendre comment elles ont géré cette croissance, entre logique de non-lucrativité et
more » ... cessité d'une gestion optimale au service de la solidarité ; entre tentation aussi de faire de l'entreprise un contre-modèle et importation constante de méthodes entrepreneuriales. Une approche chronologique (une gestion entre responsabilité et fantaisie des années 1940 aux années 1970, un tournant gestionnaire et institutionnel dans les années 1980 et une gestion plus professionalisée depuis les années 1990) permet de mieux cerner ces évolutions mais aussi d'en montrer les inégalités et les limites. Abstract The growth of charities and NGO's since the the Word War II is a spectacular one, and some of them can be compared to big companies (budget, number of employees). In studying two specific cases and ideological streams, Emmaüs and le Secours populaire français, the aim of this article is to understand how charities managed this growth. They indeed constantly balance between their non-profit logic and an optimum management of collected money to maximize solidarity ; also between percepting companies as repoussoirs, and adopting business methods of management. The chronological approach (a management with responsability but not always thorough in the 1940'-1970's, then a management and institutional turn in the 1980's, and a more professionnal approach since the 1990's) shows this evolutions but also their limits. Entreprises et histoire, 2008, proposition d'article 2/13 « GÉRER SA CROISSANCE : LE CAS DES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITÉ ET HUMANITAIRES DEPUIS LES ANNÉES 1940 » Archétypes du « tiers-secteur », ni entreprises ni structures publiques, les associations constituent un espace potentiellement à part dans leur rapport à l'argent et à la gestion : par essence à but non lucratif, elles drainent pourtant des sommes parfois considérables, récoltées grâce à la confiance des donateurs et à la subsidiarité que leur reconnaissent les pouvoirs publics. Le cas est en particulier évident pour les grandes Entreprises et histoire, 2008, proposition d'article 3/13 concepts taillés « au plus près » des objets qu'à utiliser de manière entendue des notions fourre-tout » 3 . Outre ces précautions méthodologiques, au plan de la gestion, le processus de technicisation et d'acculturation à des outils et méthodes de type entrepreneurial (collecte de fonds, communication, comptabilité, gestion du personnel, ...) apparaît aussi inégal selon les organisations que non linéaire au sein d'une même association. Enfin, sur un plan synchronique, ces associations ont été et restent toujours prises en tenaille entre deux logiques sinon contradictoires, du moins très différentes : leur vocation de solidarité d'un côté, qui impose une gestion rigoureuse des recettes et des moyens au profit des plus démunis, et leur caractère non lucratif et militant de l'autre, qui tend souvent à faire de l'entreprise un contre-modèle. En dépit des non-linéarités et des inégalités entre organisations, l'approche diachronique permet Entreprises et histoire, 2008, proposition d'article 4/13 aussi par s'engager dans l'humanitaire de développement dans les années 1970. Enfin, l'humanitaire urgentiste prend une dimension nouvelle suite à la crise du Biafra. La progressive montée en puissance de ces associations, portée par la diversification de leurs activités, la médiatisation et force mesures volontaristes, se traduit en termes organisationnels, dans le monde catholique comme communiste. Le Secours populaire passe ainsi de moins de 10.000 adhérents au début des années 1950 à 300.000 donateurs 5 au début des années 1970, tandis que le Secours catholique franchit dès
doi:10.3917/eh.056.0073 fatcat:v2xblk3ogrfkpk5xjzwvn24sea