En quête d'une information médicale indépendante

Antoine Vial
2005 Les Tribunes de la santé  
d o s s i e r sève -hiver 2005 83 sève -hiver 2005 84 d o s s i e r collectif ? À l'évidence non, et il suffit de regarder le comportement de panique face à l'hypothétique risque de grippe aviaire pour s'en convaincre. Cette différence dans nos comportements de santé, nous la devons d'abord à notre éducation, à nos mères particulièrement. Devant notre état fiévreux, ce sont elles qui nous envoyaient en classe en nous disant que cela irait mieux demain ou nous imposaient de garder le lit avec
more » ... ce couvertures. C'est dans notre famille que nous avons appris le recours systématique aux médicaments ou une certaine défiance vis-à-vis d'eux. C'est avec nos parents, en fonction de leur réaction ou de leur indifférence, que nous avons développé des conduites à risque ou, au contraire, avons appris à les domestiquer. C'est ainsi que les enfants de parents fumeurs sont 69% à devenir fumeurs quand seulement 42% des enfants de parents non fumeurs le deviennent. Ce qui vaut pour le tabac vaut pour l'alcool et, plus largement, pour notre comportement en matière de santé, que l'éducation influence profondément. Notre histoire personnelle, notre vécu comme disent les « psys », va jouer ensuite un rôle important. Traverser des décennies sans jamais rencontrer la maladie ou l'accident n'induit pas le même comportement que si l'on a été asthmatique pendant toute son enfance et son adolescence, que si l'on est diabétique depuis vingt-cinq ans ou que si l'on a vu un proche parent mourir d'un cancer dans de terribles souffrances. On pourrait penser que la culture joue un rôle dans nos comportements de santé. Je la crois secondaire. Tous les peuples aspirent au même bien-être sanitaire, social et affectif. La mère africaine et ses enfants autant que nous. Non, la dernière influence déterminante sur nos comportements de santé n'est pas la culture, c'est la communication médicale, sujet de cet article. Lorsqu'en septembre 1998, les médias apprennent à la France entière l'accident anesthésique de Jean-Pierre Chevènement, ils créent un véritable électrochoc dans l'opinion. L'anesthésie devient soudain un acte à haut risque ou, plus exactement, son vrai risque est enfin appréhendé dans sa réalité. Tous les chirurgiens et anesthésistes de France se souviennent des suites de l'accident du ministre de l'Intérieur. Dès le lendemain les questions fusent, lorsque ce ne sont pas les patients qui se décommandent. Cet accident et les conséquences de sa médiatisation sur l'opinion, autant que la très récente ruée sur les vaccins antigrippaux, démontrent l'influence de l'information sur nos comportements en matière de santé. Certains la minimisent, voire la nient, d'autres contestent que ses effets soient durables. Comment expliquer alors les difficultés que rencontrent encore aujourd'hui les centres de transfusion à obtenir les dons de sang nécessaires pour couvrir les besoins ? Près de vingt ans après le scandale du sang contaminé, force
doi:10.3917/seve.009.91 fatcat:o6rs2jsu6zdzjgsl6xahh7szjm