Volume 12, numéro 2 L'obsession de la productivité et la fabrique du chercheur publiant Sites Internet
Le Libellio D' Aegis, Vol
2016
unpublished
P lusieurs articles ont été consacrés, dans le Libellio, à l'écriture et à la publication, dont notamment ceux de Paul Duguid (2007) et d'Hervé Laroche (2015). Le sujet est brûlant avec le poids des classements des revues dans l'évaluation des chercheurs et la pression à la publication, et nous avons décidé d'y consacrer un dossier. Franck Aggeri revient sur l'obsession de la productivité et la fabrique du chercheur publiant. Il oppose au modèle qui tend à s'imposer à nous aujourd'hui celui des
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... singularités dans la recherche. En raison des échéances à tenir ou de la lassitude, la plupart des articles et des communications sont envoyés à la va-vite et sans un dernier contrôle. Sea Matilda Bez, Héloïse Berkowitz et Mathias Guérineau proposent aux auteurs une checklist très utile de points à vérifier avant d'opérer un envoi. Héloïse Berkowitz s'intéresse aux alternatives qui existent aujourd'hui au processus de publication traditionnel. Enfin, un texte se centre, en amont de la publication elle-même, sur les affres de l'écriture et la manière de les conjurer ¢ Références Duguid Paul (2007) "Comment (ne pas) être publié dans une revue américaine", Le Libellio d'Aegis, vol. 3, n° 1, pp. 10-12. Laroche Hervé (2015) "Sur le professionnalisme dans la recherche", Le Libellio d'Aegis, vol. 11, n° 3, pp. 89-93. À quoi rêvent les jeunes doctorants en gestion lorsqu'ils débutent leur thèse ? Leurs aspirations ne diffèrent pas fondamentalement de celles des doctorants d'autres disciplines : ils valorisent l'autonomie supposée du métier, la réflexion et les discussions intellectuelles, la lecture, la création, l'écriture, la pédagogie. Cette vision romantique du métier est souvent renforcée par la rencontre avec des enseignants-chercheurs qui leur ont donné le goût de la réflexion, leur ont fait découvrir l'esthétique de l'écriture et de l'argumentation, des textes marquants ou des recherches de terrain originales. Bref, ils rêvent souvent de devenir des enseignants-chercheurs singuliers. Modèle des singularités vs modèle productif Le modèle des singularités dans la recherche, rappelle Lucien Karpik, est celui auquel se réfèrent traditionnellement les chercheurs. Il repose sur une orientation symbolique « autour d'un ensemble de normes et de valeurs classiques : la découverte comme finalité, l'importance de l'originalité, de l'ambition et du plaisir intellectuel, un imaginaire enraciné dans l'histoire de la science, la position centrale du jugement des pairs, le pouvoir collégial ou semi-collégial, une conception du métier organisée autour de l'indépendance individuelle, une compétition animée par la volonté d'être le premier à découvrir et le premier à publier, le premier reconnu et le premier primé » (Karpik, 2012, p. 119). À rebours du modèle des singularités, se développe depuis quelques années, notamment en économie et en sciences de gestion, un modèle productif qui repose sur une performance « objective » mesurée à partir d'une métrique simple : le nombre de publications de rang A. À la moulinette de l'évaluation académique Le modèle productif est devenu, au fil des années, le modèle dominant dans les business schools au plan international. Une fois leur thèse en poche, les jeunes chercheurs ne doivent pas produire un article de temps à autre mais en produire beaucoup et régulièrement pour espérer obtenir leur tenure. C'est le publish or perish, selon la formule fameuse reprise par Ann Will Harzing. Pour obtenir une titularisation dans les business schools les plus prestigieuses au Royaume-Uni par exemple, la règle est celle du 4x4 : quatre publications dans des revues de rang A en quatre ans (Alvesson & Spicer, 2016). La pression à la publication est ensuite constamment maintenue par le management de ces institutions à travers des systèmes d'incitation (Laroche, 2015).
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