La danse du diable et du bon dieu
Erwan Dianteill
2004
L'Homme (En ligne)
Référence électronique Erwan Dianteill, « La danse du diable et du bon dieu », L'Homme [En ligne], 171-172 | 2004, mis en ligne le 01 janvier 2006, consulté le 06 janvier 2017. URL : http://lhomme.revues.org/24961 ; DOI : 10.4000/ lhomme.24961 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. © École des hautes études en sciences sociales S' IL EST UN topos par excellence de la musicologie afro-américaniste, c'est bien que le blues est la musique du diable et que le gospel est celle du bon
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... eu. Le film Warming by the Devil's Fire de Charles Burnett (2003), dans la série produite par Martin Scorsese, en est une illustration récente, mais l'idée d'une opposition éthique entre ces genres musicaux est extrêmement répandue dans l'immense littérature sur le gospel, le blues, le jazz et le rock' n' roll. Or, cet antagonisme n'a été relevé dans les cultures afro-américaines nulle part ailleurs qu'aux États-Unis. Au Brésil, à Cuba, en Haïti ou à Trinidad, il existe bien une musique religieuse -au sens où elle est jouée dans les cérémonies dédiées aux esprits -et une musique séculière destinée au divertissement, à la danse, au carnaval, mais il n'y a aucune contradiction entre ces deux pratiques. Elles existent dans des contextes sociaux distincts, remplissent des fonctions différentes, mais elles ne sont pas dans un rapport de concurrence. Il n'y a, par exemple, aucun interdit portant sur la rumba ou le calypso dans la santeria cubaine ou le Xango Cult de Trinidad. En d'autres termes, ce qui passe pour une évidence aux États-Unis ne l'est pas dans les Caraïbes ni au Brésil 1 . Il est vrai que certains chercheurs, principalement historiens et musicologues du blues et du gospel 2 , ont questionné cette partition entre musique du « mal » et musique du « bien ». Les mêmes musiciens ont parfois enregistré des blues et du gospel, dès les années 1920 ; parmi les plus célèbres, citons Charley Patton, Blind Lemon Jefferson, Son House. On a aussi remarqué que cette distinction s'est atténuée avec le temps. Après la Seconde Guerre mondiale, nombreux furent ceux qui passèrent d'un genre à l'autre. Les formes originales assez différentes du blues et du gospel se sont brouillées. Cela est patent dans beaucoup d'enregistre- À PROPOS ET IMPROMPTUS L' H O M M E , « M u s i q u e e t a n t h r o p o l o g i e », 171-172 / 2004, pp. 421 à 442 La danse du diable et du bon dieu Le blues, le gospel et les Églises spirituelles Erwan Dianteill Qu'un homme soit joueur, lubrique, adultère, meurtrier, prêt à tous les sacrilèges comme à toutes les tentations, cela n'empêche nullement qu'il soit un saint. Michel Leiris, « Saints Noirs », in Zébrage.
doi:10.4000/lhomme.24961
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