L'océan Indien, un territoire de recherche multiculturelle

Francoise VERGES
2002 Hermès  
que les avions de ligne se posent à l'île de la Réunion, on atterrit avec l'océan à sa gauche et la montagne à sa droite, image familière qui rassure le voyageur régulier. Cependant, dès l'atterrissage, une foule d'images et d'impressions viennent contredire cet élément de permanence. Les champs de canne à sucre qui constituaient une couronne verte sur la côte cèdent de plus en plus la place aux logements et immeubles de bureaux, une autoroute fait pratiquement le tour de l'île. En observant
more » ... entivement, on remarque de larges centres commerciaux, une profusion de téléphones portables, de voitures, de panneaux publicitaires vantant des marques mondiales ; on vend les mêmes boissons et aliments qu'en France ; on élit des Miss, les jeunes écoutent du rap, s'habillent en Nike. Qu'est-ce qui distingue alors cette île d'une banlieue française ? Ses paysages exotiques et sa population métissée ? « Ile intense », selon le slogan touristique, île de tous les métissages, ces images qui en appellent à l'exotisme n'apprennent finalement rien au visiteur. Les réalités ne se montrent pas si facilement. Il y a de fait plusieurs mondes, monde de la consommation, monde de la francité, monde créole, monde des croyances, monde de la nuit, mondes imaginaires. Ces mondes coexistent, s'interpénètrent, se recouvrent. Certains disposent d'un « plus » de pouvoir. Ainsi le monde de la francité a-t-il pour lui de plus grands moyens d'attraction et de dissémination que le monde créole. Ce dernier résiste, mais il est fragile. Les phénomènes de créolisation constituent la singularité de la société réunionnaise. Comment faire apparaître cette singularité sans la réduire à une « différence de », comme « différence à partir de l'histoire française ou européenne » ? La singu- HERMÈS 32-33, 2002
doi:10.4267/2042/14403 fatcat:w7frpjfutrao5mnlphaxhijgvu