Puissances du renoncement

Jean-Michel Hirt
2020 Les Cahiers philosophiques de Strasbourg  
La dignité implique une tension entre l'humain et son destin, en ce sens la dignité peut être envisagée comme une destination pour l'humain, l'indignité apparaissant alors comme une absence de but -peut-être une stase de la pulsion de mort ? -, toutes les formes de nihilisme en témoigneraient. Mais le destin de l'humain ne se confond ni avec le destin de ses pulsions, ni avec sa violence ordinaire. Si la destructivité est une expression majeure de la violence inscrite dans la pulsionnalité de
more » ... aque homme, alors le renoncement pulsionnel, en allemand Triebverzicht, ne peut que retenir notre attention, dans la mesure où il manifesterait pour la pulsion sexuelle un autre destin que la destruction de l'objet. Mais surtout en raison de ce que Freud écrit à propos du renoncement dès 1914 : le renoncement « à sa propre passion au profit et au nom d'une mission à laquelle on s'est consacré » est « la plus haute prouesse psychique qui soit à la portée d'un humain » 1 . Ou pour reprendre les mots de la poétesse Marina Zvétaieva : « Chaque fois que je renonce j'ai la sensation d'un tremblement de terre au-dedans de moi. C'est moi -la terre qui tremble » 2 . Déjà, dans une perspective psychanalytique, la sublimation est une possibilité psychique permettant de mettre la pulsion au service de la construction d'un objet, et non de sa destruction. En ce cas la pulsion est inhibée quant à son but sexuel immédiat et dérivée vers un but non sexuel. Le champ de l'art, avec la sublimation, apporte la preuve de la plasticité pulsionnelle. La beauté se désire, elle se goûte mais ne se mange pas. Pourtant renoncer n'est pas sublimer. Il entre du renoncement dans la sublimation, mais celle-ci aboutit au déplacement du but de la
doi:10.4000/cps.3751 fatcat:vjxivwwgsjalbjswvqqwuyi6mm