Manger et boire au Moyen Âge: un thème à la recherche de son histoire

Marie-Thérèse Kaiser-Guyot
2018
Dans l'avant-propos des actes du colloque de Nice (15-17 octobre 1982) »Manger et boire au Moyen Age«1, D.Menjot justifie avec bonheur le regroupement qu'il a adopte pour les 30 contributions du volume I: Aliments et boissons -Le marche de l'alimentation -Alimentation et categories sociales -Code et symbolique alimentaires. Ces contributions, bien sür inegales, sont dans l'ensemble interessantes par leur souci d'un travail honnete et precis sur des sources parfois peu connues. D.Menjot enumere
more » ... ussi les directions de recherche qui lui semblent les plus urgentes: interroger d'autres sources, preciser toujours et partout la metrologie et le vocabulaire et enfin donner une place plus grande a l'»agro-alimentaire« et a la »dietetique« (p. 9). Ces directions de recherche, necessaires, ne restent-elles pas trop sagement dans i'optique de ce colloque? Ne se pose-t-il pas un probleme plus large, primordial: En quoi un tel theme est-il historique mais aussi, comment peut-on en ecrire l'histoire? Nous voudrions, en nous referant a ce premier volume des actes du colloque de Nice tenter de repondre, au moins partiellement, a cette double question. »Manger et boire«: realite ontologique ou realite historique Une epidemie, une ville nouvelle, une croisade, un roi, ses conseillers, une election, autant de phenomenes historiques en ce sens qu'ils s'imposent ä un moment ou pour une periode, ä un endroit ou pour toute une region. Par contre, l'homme mange et boit, realite d'avant l'ecriture, d'aujourd'hui et de demain, realite d'en-de^ä et d'au-delä des Pyrenees. »Le Seigneur m'a dit de manger« (Marie Noel, Adam et Eve, poeme des dents). A propos de la faim Lorsqu'il est question de faim et de soif, notamment dans la litterature du Moyen Age, que l'historien se mefie, lui aussi a faim et soif, a eu faim et soif meine durant le colloque de Nice! On ne peut alors, sans autre forme de proces, mettre le theme du Graal en rapport avec »la peur de la faim qui a hante le Moyen Age» (D. Buschinger, La nourriture dans les romans arthuriens allemands entre 1170-1210, p. 377-389) mais bien plutöt la relier ä la faim, realite humaine fondamentale. L'analyse de l'Ysengrinus donnee par E. Charbonnier (p. 405-414) eile, par contre, est particulierement reussie qui montre qu'»Ysengrin incarne une faim perpetuelle, ontologique, qui a force de destin« (p. 406), mais aussi que Renard agit par gourmandise et encore plus par pure malignite. Certes, il y a l'»argument alimentaire« mais qui s'efface sans meme reparaitre dans l'episode final. Pas de faim medievale donc dans l'Ysengrinus. La trouverait-on davantage dans le roman de Renard?
doi:10.11588/fr.1987.0.53025 fatcat:47q2y3glg5d7pclmr34lqw2ngu