Une France réconciliée avec sa police ?
Christian Mouhanna
unpublished
Lors de la marche du 11 janvier, les forces de l'ordre ont été applaudies par la foule. Les victimes policières des attentats ont été admirées pour avoir donné leur vie en défendant la liberté d'expression d'un journal qui les égratignait volontiers, incarnant ainsi une figure voltairienne, noble et désintéressée, de l'idéal démocratique (se battre pour que des idées que l'on désapprouve puissent s'exprimer). Cette épreuve peut-elle transformer les relations police-population, dont les
more »
... ons comme la population déplorent, depuis de longues années, la dégradation continue ? L'émotion collective qui a accompagné la grande manifestation du 11 janvier 2015 a suscité de multiples commentaires et analyses « à chaud » dans les médias. Les applaudissements et embrassades adressés aux policiers en charge de l'encadrement et de la protection de l'événement sont apparus comme un événement participant à la grande réconciliation nationale intervenue en réaction aux attentats terroristes de la semaine précédente. La France se découvrait un amour immodéré pour sa police. Ce « retournement » de l'opinion publique était d'autant plus frappant qu'à peine quelques semaines auparavant, l'affaire de Sivens-la mort d'un manifestant suite au lancer d'une grenade par les gendarmes-avait relancé le débat sur les stratégies policières et leurs méthodes de maintien de l'ordre. La mort de policiers lors de l'attaque de la rédaction du journal Charlie Hebdo, connu pour sa critique de la police, et les interventions spectaculaires du RAID et du GIGN 1 pour neutraliser les terroristes expliqueraient ce changement d'appréciation. Pourtant, très vite, des doutes ont émergé sur la réalité de cette conversion de la société française à une position « pro-police », en même temps que celle-ci découvrait la non-adhésion d'une partie de la population au slogan « Je suis Charlie ». Les spécialistes « sécurité » des journaux ont mobilisé assez rapidement leurs réseaux afin de mesurer l'ampleur et la réalité de ce mouvement qui s'est avéré moins unanime qu'attendu. Comprendre les relations police-population et les éventuelles transformations qu'auraient générées le traumatisme de janvier demande tout d'abord de ne pas considérer la population française comme un ensemble homogène et univoque à l'égard de la police, ou des polices. En fonction de son statut social, de son histoire, de son lieu d'habitation, et de son apparence physique extérieure, la perception des policiers diffère. Sans pouvoir dresser ici l'inventaire exhaustif des facteurs qui influent sur cette relation policier-citoyen, on peut néanmoins indiquer quelques-unes des principales lignes de partage qui semblent opérantes au sein de la population. Image(s) de la police au sein de la population : quels clivages ? Il faut d'abord souligner qu'une majorité de Français a toujours eu une opinion positive des forces de l'ordre 2 , alors que des minorités diverses-ouvriers, étudiants, travailleurs immigrés-ont 1 Équipes de la police nationale et de la gendarmerie spécialisées dans les interventions lors des actions terroristes, prises d'otage ou personnes armées.
fatcat:2v5mzuxyfrf3rafetopk7w4qry