« La terre est finie ! » Quel avenir pour le pastoralisme en Afrique de l'Ouest ?

Alexis Gonin
unpublished
Les éleveurs du Sahel ont pour habitude de migrer vers le sud pour éviter les sécheresses et nourrir la croissance des villes d'Afrique de l'Ouest. Jusqu'à une période récente, les agriculteurs toléraient leur passage sur leurs terres. Mais, avec la croissance démographique, la pression foncière et le changement climatique, l'équilibre est bouleversé. Alexis Gonin pose la question de l'avenir du pastoralisme ouest-africain. L'élevage représente une part importante du PIB agricole des pays
more » ... que de l'Ouest, jusqu'à 50 % dans les pays sahélo-soudaniens (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad). Il est une source de revenus pour 70 % de la population active ouest-africaine, comme activité principale ou secondaire (Nugteren et Le Côme 2016). Pourtant, la mobilité, pilier de la résilience des systèmes pastoraux, n'a jamais été bien comprise dans les choix d'aménagement des espaces ruraux. En conséquence, la place du pastoralisme aux côtés de l'agriculture est aujourd'hui fragilisée dans les savanes d'Afrique de l'Ouest. À force de fuite en avant vers le sud de la région, les éleveurs se retrouvent dans une impasse. La mobilité comme clé de gestion de l'incertitude Les éleveurs ouest-africains évoluent dans un milieu particulièrement incertain. Du Sahara, très sec (absence de précipitations), aux côtes du golfe de Guinée (1 600 mm), les précipitations augmentent selon un gradient nord-sud. Les transhumances sont une adaptation à ce gradient : les troupeaux partent vers le sud en saison sèche, à la recherche des premières pluies, et remontent vers le nord avec le front de mousson en saison des pluies. Mais ce gradient pluviométrique souffre de nombreuses irrégularités d'une année à l'autre. Les brousses d'un village peuvent connaître une année un grave déficit de pluies, tandis qu'une zone voisine de 50 kilomètres, pourtant plus au nord, recevra cette année-là un fort excédent pluviométrique. Jouant avec ces irrégularités spatiales et temporelles imprévisibles, les pasteurs s'adaptent en conduisant leurs troupeaux où les pâturages sont les plus verts et où l'eau est disponible. La mobilité fonde ainsi la résilience de millions de pasteurs face aux déficits pluviométriques chroniques que connaît l'Afrique de l'Ouest. Elle leur a permis de surmonter (plus ou moins bien selon les individus) les graves sécheresses sahéliennes de 1973 et 1984. Elle est leur meilleur atout face au changement climatique, dont les modèles ne parviennent pas à prédire s'il se traduira, en Afrique de l'Ouest, par une augmentation ou une diminution des précipitations (GIEC 2013).
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