La p e rc ept ion De la connaissance humaine Etude des Trois Dialogues entre Hylas et Philonous Roselyne Dégremont
Berkeley
unpublished
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... que nous voyons, entendons, touchons ; en un mot que nous sommes affectés d'impressions sensibles. -Et qu'avons-nous besoin d'autre chose ? répond Philonous. » 1 Est-il bien vrai que nous n'ayons pas besoin d'autre chose pour combattre le scepticisme, autrement dit garantir une vraie connaissance ? Comment les sensations peuvent-elles être le principe de la connaissance ? Et de quelle connaissance ? 2 1 Trois Dialogues entre Hylas et Philonous, noté ultérieurement T.D.H.P., 3, 249. 2 Le thème est commun aux Principes de la connaissance humaine, noté ultérieurement P.H.K et aux T.D.H.P. Je centre mon étude sur les T.D.H.P., pour exploiter ses ressources propres, avec peu de rappels d'autres oeuvres. Diot La perception Berkeley Roselyne Dégremont.doc © CRDP Midi-Pyrénées, Ellipses, 1999. 2 guère de démontrer positivement que, sur la base qu'il propose, à savoir les sensations, une connaissance s'élabore, ni selon quelles voies. Berkeley nous assure que le point de départ est bel et bon : percevoir un objet c'est être sûr qu'il existe ; qu'il n'y a rien d'inconnu ou d'autre à chercher hors des sensations que nous en avons et que notre connaissance peut s'y appuyer. Mais un embarras subsiste : car après tout peut-on dire qu'une sensation « sait », est dans le vrai déjà ; ou faut-il reconnaître, selon la formule célèbre proposée dans la Siris, qu'« à strictement parler le sens ne connaît rien » et que le savoir suppose des médiations ? Berkeley, en 1713, publie les Trois dialogues, qui reviennent sur les mêmes questions avec l'intention d'éclaircir, d'expliciter les points cruciaux, pour mieux convaincre. Mais il reste vrai que dans cet texte aussi c'est la forme du combat qui domine et qui nous empêche peut-être de bien saisir non ce qu'est l'immatérialisme en lui-même, mais comment il procède dans le registre du connaître. La mise en scène antinomique, qui oppose matérialisme à immatérialisme, fractionne les exposés en fonction des points débattus. Aussi, même avec ce second traité, les incertitudes du lecteur en ce qui concerne la suite donnée au « principe » de la connaissance humaine demeurent. Et comme Berkeley est très lucide, son Hylas lui-même le dit : la substance de ce qu'avance l'immatérialisme est bien réduite, s'il s'agit de compter, pour le savoir, sur les seules impressions sensibles. Car, depuis le Théétète de Platon, la philosophie a bien pris conscience qu'il est quasiment impossible de démontrer que « la science c'est la sensation ». C'est que, si telle une chose m'apparaît, telle elle est pour moi ; alors toutes les propositions qui énoncent un phénomène sont « vraies » ; mais « vrai » devient dépourvu de sens, dès lors que tout énoncé est vrai ; donc la connaissance doit se fonder ailleurs. Et pourtant il ne faut pas démordre de la sensation, comme le montre la fin du Théétète, car seule elle nous informe et nous donne le singulier, le particulier ; nul ne sait jamais que pour avoir vu ou senti ; et il faut bien que ce soit de la sensation que sourde la connaissance. Nous soupçonnons que si Berkeley est assez discret sur la relation de la sensation à la connaissance, c'est que c'est une question effectivement très délicate en ellemême. Pour l'affronter, Berkeley recourt à l'opposition conceptuelle de l'immédiat et du médiat. En effet, l'immédiateté est le signe caractéristique de tout senti. « Les sens ne perçoivent rien qu'ils ne perçoivent immédiatement » 3 . Immédiatement, à savoir tout uniment et simplement, sans médiation, sans inférence. Et la proposition « les choses sensibles sont celles-là seules qui sont immédiatement perçues par les sens » fait rengaine. Seulement que voit immédiatement celui qui regarde un tableau ? Du bleu ici, du vert là, des couleurs ici plus claires, ailleurs plus sombres. Autre chose est d'identifier un plan lisse ou comportant des reliefs, de reconnaître que les couleurs composent ou non des figures, et éventuellement que telle figure est un portrait d'homme, et que ce portrait-ci est précisément celui de Jules César. Il y a là bien des degrés de « savoir », et l'on pourrait encore raffiner ; Berkeley
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