Les trahisons familiales : une chance pour l'évolution des couples et des familles

Nicole Prieur, Bernard Prieur
2004 Thérapie Familiale  
LES TRAHISONS FAMILIALES : UNE CHANCE POUR L'ÉVOLUTION DES COUPLES ET DES FAMILLES -SAVOIR THÉORIQUE -Échanges à partir d'articles , bibliothèque, dictionnaire et concepts de la systémique -Article donné par son auteur pour stimuler des échanges -Date de mise en ligne : vendredi 2 mai 2008 Description : Les trahisons familiales : une chance pour l'évolution des couples et des familles. -L'histoire de l'humanité est jalonnée de trahisons. Ces fractures symboliques furent cependant fondatrices de
more » ... nouvelles civilisations. Peut-on échapper à la trahison ? La trahison constitue un des fondements de nos êtres. Il s'agit moins de débusquer le traître que de parvenir à vivre entre infidèles. La trahison nous amène aux confins du concevable et de l'intelligible. Elle entraîne une fixité du temps, une sidération des émotions, c'est pour cela qu'elle est insupportable, et le sentiment de trahison s'alimente souvent dans la compulsion à vouloir comprendre. Nous montrerons en quoi les trahisons peuvent être considérées comme un processus interactionnel à part entière, sur lequel les thérapeutes peuvent prendre appui pour permettre aux systèmes bloqués d'évoluer. Cela fait plusieurs années que ce thème nous interroge. Présentes dans de nombreuses thérapies, les trahisons n'épargnent aucun lien. On se trahit entre amis, en Copyright © Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique L'éthique serait cette conscience toujours renouvelée qui permet de mesurer que le traître est d'abord en soi, au coeur de notre pensée, de notre parole, de notre connaissance. Rester vigilant à cet affleurement de la trahison peut la rendre moins tragique à force de la savoir imminente. Peut-être devenons-nous sujet quand nous mesurons précisément qu'elle est toujours virtuellement présente dans toute relation interpersonnelle, et qu'elle fait inexorablement partie de nous. Considérer le traître comme l'étranger, l'Autre, irrémédiablement mauvais, contre lequel le groupe doit se défendre, qui sert de surface de projection à tout ce que l'on ne veut pas voir à l'intérieur, renforce la pensée manichéenne, les clivages. La trahison : une réalité insaisissable En fait, nous nous sommes d'autant plus intéressés à ce sujet, que les trahisons dans la famille sont quasiment vierges conceptuellement. Très peu de choses ont été écrites en sciences humaines. Quand on a voulu approfondir ce concept, on s'est aperçu très vite qu'il nous débordait de toutes parts. Royaume des apparences trompeuses et rebelles, la trahison paraît insaisissable. Elle revêt des figures protéiformes, contradictoires, subtiles, qui ne se livrent pas d'emblée. Elle glisse sans cesse entre les mots. Elle échappe et déborde les définitions les plus rigoureuses. Elle peut avoir l'air d'une infidélité, comme d'une trop grande fidélité. Toutes les figures de trahisons n'épuiseront jamais sa complexité. Pour autant, ce n'est pas une notion « fourre-tout ». Ce que l'on retiendra ici, c'est surtout l'aspect kaléidoscopique de la trahison, les jeux de miroirs qui la traversent et la constituent. Elle met en oeuvre plusieurs niveaux : " 1er niveau : l'acte, qui d'ailleurs peut exister ou ne pas avoir lieu. On peut se sentir trahi, sans qu'il y ait eu un acte objectivable. Il suffit quelquefois d'un geste, d'un mot. " 2e niveau : le vécu. Vécu bien sûr opposé selon la place d'où l'on se tient -victime, traître, tiers -le traître n'a pas forcément le sentiment de trahir, la victime n'est pas toujours aussi passive qu'elle le pense.... " 3e niveau : le récit. Socialement, le récit de la trahison a une fonction très importante, il se doit d'être édifiant. Accuser quelqu'un de trahison, puis le juger, c'est contribuer à l'établissement d'une nouvelle légitimité, et édicter une pratique nouvelle de la morale. En fait, c'est tout un système social, idéologique qui se raconte dans sa manière de délimiter les formes de trahison, de la désigner. Les mystifications forgées alors, voire les propagandes de tous bords, vont constituer un outil de contrôle puissant pour les autorités en place. Mais dans une famille qui désigne la trahison ? Qui la juge ? Qui en fait le récit ? Copyright © Espace d'échanges du site IDRES sur la systémique Page 4/14 théoriques et nous amène à les trahir toujours peu ou prou. Que faisons-nous de ces infimes trahisons ? Sont-elles pour nous, thérapeutes, des leviers de changement, et d'évolution permanente ?
doi:10.3917/tf.043.0357 fatcat:s3vo2ezewbai3miyff3twcufxm