Biologie des systèmes appliqués aux cancers

Emmanuel Barillot, Laurence Calzone, Andrei Zinovyev
2009 M S.Médecine Sciences  
Pourquoi une biologie des systèmes appliqués aux cancers ? Le terme de biologie des systèmes est aujourd'hui si couramment utilisé qu'il importe de préciser l'acception qu'on lui prête avant de l'employer. Il est admis que la discipline vise à construire un modèle mathématique qui rende compte du fonctionnement d'un système biologique. Mais la démarche de biologie des systèmes présente certaines spécificités. Tout d'abord, elle suppose d'étudier un système biologique dans sa globalité, et non
more » ... se limiter à une partie comme dans les approches classiques où l'on se focalise sur un seul gène. Elle requiert qu'on s'intéresse à plusieurs niveaux d'échelle, du moléculaire au cellulaire, à l'organe voire à l'individu dans notre cas. Elle s'appuie sur des allers-retours entre théorie et expérience, qui permettent d'affiner progressivement les modèles et de les valider. Enfin, elle intègre nos connaissances préalables sur le fonctionnement du système. Sans exiger une description complètement mécaniste (qui par exemple détaillerait explicitement toutes les interactions moléculaires et serait donc irréaliste), la modélisation systémique ne se contente pas des stratégies purement statistiques. Ces dernières opèrent typiquement en régressant des variables cibles (par exemple phénotypiques) sur les variables des niveaux inférieurs (par exemple l'expression des gènes), même de niveaux de descriptions multiples (ADN, ARN, protéines, cellules, etc.). Si l'approche statistique s'est montrée très fructueuse et reste incontournable en l'absence de connaissance préalable sur le comportement du système étudié, nos progrès dans la compréhension des mécanismes moléculaires et cellulaires qui régissent le fonctionnement des cellules normales et tumorales nous amènent aujourd'hui à proposer une nouvelle approche de ces systèmes. Durant les trois dernières décennies, notre connaissance des mécanismes à l'origine de la tumorigenèse et de la progression tumorale s'est considérablement affinée. Dans un premier temps, quelques gènes qui participent à ces mécanismes ont été identifiés. On a même pu croire pendant un temps avoir découvert le gène ou les gènes du cancer. Citons comme exemples célèbres RB (rétinoblastome), Src, Ras ou P53. Fort logiquement, la communauté scientifique s'est alors attachée à caractériser ces gènes, leurs interactions et leur rôle individuel dans différents contextes. Après quelques succès, cette approche a montré rapidement ses limites : il est apparu que le cancer revêtait une plus grande complexité étiologique et que sa survenue et son développpement supposaient le dysfonctionnement de plusieurs gènes, sans pour autant que les raisons de cette complexité ne soient comprises. > La biologie des systèmes appliqués aux cancers est aujourd'hui une approche scientifique reconnue et porteuse d'espoirs dans les domaines cliniques. Elle s'appuie sur une formalisation rigoureuse des réseaux de régulation en des langages complets et non ambigus. Elle donne du système étudié (un réseau d'interactions gouvernant la prolifération, la différenciation ou la mort cellulaires) une vue détaillée mais aussi une décomposition modulaire qui facilite l'interprétation des profils moléculaires de tumeurs. Ces modèles mathématiques permettent de prédire l'évolution du système, en particulier de proposer des points d'intervention pour le développement de médicaments, anticiper l'évolution tumorale et classifier les tumeurs. <
doi:10.1051/medsci/2009256-7601 pmid:19602357 fatcat:mbzwtwtuu5cbpjgev5qurridzi