Prédiction du risque métastatique dans les sarcomes : une nouvelle approche
Frédéric Chibon
2011
M S.Médecine Sciences
> L'évolution métastatique des cancers, et des sarcomes en particulier, reste aujourd'hui le facteur péjoratif majeur dans la prise en charge des patients. En effet, la dissémination des cellules tumorales puis l'envahissement d'organes vitaux, comme les poumons, le foie ou encore les os, entraînent, dans la majorité des cas, le décès du patient. Toutes les tumeurs ne possèdent pas le même potentiel métastatique (capacité à développer des métastases). De grandes disparités existent d'un type
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... oral à un autre, mais également d'une tumeur à une autre pour un même type. Ainsi les sarcomes des tissus mous forment un groupe tumoral hétérogène puisqu'il rassemble plus de 50 types et sous-types de tumeurs mésenchymateuses malignes [1] . Il est donc primordial, au moment du diagnostic, qu'une évaluation fiable de ce potentiel métastatique soit réalisée, celle-ci conditionnera alors la prise en charge thérapeutique. Méthodes classiques d'estimation du risque métastatique Jusqu'à présent, l'estimation du risque métastatique, des sarcomes en particulier, reposait essentiellement sur des critères histologiques (aspect et organisation des cellules au sein de la tumeur) et cliniques. Sur le plan clinique, les facteurs aggravant le pronostic sont essentiellement l'effraction de l'organe porteur de la prolifération tumorale et l'envahissement des tissus adjacents (muscles) ou distants (ganglions lymphatiques). Ensuite, le pronostic tumoral est précisé lors de l'étude histologique des tumeurs, qui définit le grade histopronostique de la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer [2]). Ainsi, la présence de nombreuses mitoses (prolifération des cellules), l'absence d'un profil de différenciation tissulaire et la présence de nécrose sont des facteurs universellement associés à un risque aggravé d'évolution métastatique de la tumeur. Depuis le début des années 2000, grâce à l'évolution des technologies d'étude du génome et de son expression (transcriptome) à grande échelle (puces à ADN), des signatures moléculaires ont successivement été identifiées dans différents types tumoraux à commencer par le cancer du sein [3, 4] . Ces signatures sont en fait des groupes de gènes dont l'expression est associée à l'évolution métastatique. Dans la majorité des études, ces gènes sont identifiés en comparant les profils d'expression (niveaux d'expression de l'ensemble des gènes de la tumeur) des tumeurs ayant développé des métastases (tumeurs agressives) aux profils des tumeurs n'en ayant pas développé. Bien qu'efficace, cette approche présente l'inconvénient de produire des résultats dont la reproductibilité peut être remise en question et dont la signification biologique reste limitée [10]. Une nouvelle signature moléculaire de l'évolution métastatique dans les sarcomes ayant des réarrangements chromosomiques complexes Dans l'étude que nous venons de publier [5] , nous avons pu identifier une signature pronostique par une approche origi-nale partant de mécanismes biologiques propres aux tumeurs. Ainsi cette signature, bien qu'identifiée dans les sarcomes, semble applicable à l'ensemble des cancers. En effet, depuis plus de dix ans, nous nous intéressons à un groupe de sarcomes particuliers, correspondant à environ 40 % des tumeurs de ce type, dont la caractéristique est de posséder une génétique complexe basée sur de nombreux réarrangements chromosomiques et pour lesquels aucune anomalie génétique récurrente et spécifique n'a, à ce jour, été identifiée. Ces tumeurs se caractérisent en outre par une agressivité importante puisque le taux de rechute métastatique à 5 ans peut dépasser 50 %. Après avoir tout d'abord observé une association entre le niveau de complexité du génome tumoral (c'est-à-dire le nombre et la nature des anomalies chromosomiques) et l'agressivité tumorale, nous avons cherché à identifier les gènes associés d'une part à l'établissement de cette complexité chromosomique et d'autre part au grade histopronostique. Nous avons ainsi identifié une signature composée de 67 gènes dont l'association à la complexité génomique des tumeurs et à leur évolution métastatique est statistiquement significative (HR = 3,1 ; 95 % IC = [1,8 à 5,3] ; p < 10 -3 ; Figure 1 ). Cette signature a été appelée CINSARC pour complexity index in sarcomas. Nous avons pu montrer par analyse multivariée que cette signature d'expression est plus prédictive du devenir des patients que ne l'est le grade FNCLCC. En effet, parmi Article disponible sur le site
doi:10.1051/medsci/201127122
pmid:21299955
fatcat:frfm7askk5hltm4pchjlogkq4e