Introduction - Le populaire est-il soluble dans les industries culturelles ?

Keivan Djavadzadeh, Pierre Raboud
2016 Raisons Politiques  
Explosions punk Au cours de l'été 1976, simultanément aux États-Unis, en Australie et dans de nombreux pays d'Europe, une multitude de formations musicales sont brutalement désignées dans la presse comme « punk » (un terme argotique synonyme de vaurien, voyou, pourri, sans valeur) ou s'auto-désignent comme telles. Défini par Hebdige comme un « amalgame contre nature », une « alliance improbable et mystérieuse de traditions hétérogènes et apparemment incompatible » 1 , le punk rassemble un
more » ... ge complexe et riche dont il se nourrit et qu'il cherche aussitôt à dépasser dans un refus des codes. Dans la France de Giscard où bruissent encore les échos du gaullisme finissant et de mai 1968, cette explosion punk, marquée dès l'été 1976 par le festival de Mont-de-Marsan, prend à revers la morosité ambiante liée à la crise économique ainsi qu'à la forte hausse du chômage, et clame son refus de l'ennui. Surtout, elle participe à révéler une scène rock française qui avait été jusqu'alors largement sous-estimée par les médias nationaux, presse spécialisée comprise. Pour autant, a contrario, les processus qui ont accompagné, voire induit, les transformations de l'image du punk en France, déplaçant sensiblement les frontières entre contre-culture et mainstream. Infléchissements médiatiques Le choix de la presse musicale spécialisée Le choix de nous focaliser sur la presse musicale spécialisée pour interroger la réception du punk en France relève d'une posture spécifique. Elle suppose tout d'abord que ces médias, incontournables intermédiaires entre l'artiste et son public 2 , ont joué un rôle important dans la diffusion d'une musique qui, loin de se réduire à l'émotion de l'écoute, fut aussi une musique « lue », faite de mots et d'images, de chroniques et de points de vue. Elle invite également à considérer que cette presse experte ne constitue pas simplement le reflet d'une hypothétique « réalité », mais qu'elle participe au contraire à en définir de manière
doi:10.3917/rai.062.0005 fatcat:xoqms4vt25bzjjwsadi5i6623a