Rencontre avec deux musiciens traditionnels bretons: Christian Anneix et Jean Baron

Yves Defrance
1995 Cahiers de musiques traditionnelles  
Les musiciens traditionnels professionnels européens connaissent des destinées diverses : réputation locale confidentielle, militantisme régional, urbanisation, exode sud-nord ou est-ouest, show business, groupes folkloriques, tournées internationales, etc. Certains rompent totalement avec leur milieu ou leur esthétique d'origine ; d'autres s'investissent dans une action de sauvegarde en profondeur (enseignement, édition, animations diverses, etc.). En Bretagne, ils sont encore plusieurs
more » ... s à vivre de leur musique. Réalisé en 1994, cet entretien provient d'une rencontre avec Christian Anneix, qui sonne le biniou en compagnie du joueur de bombarde Jean Baron depeuis 1973. Il évoque ici plus de vingt ans de cette vie de musiciens traditionnels professionnels en « couple ». Y.D. Comment peut-on être musicien traditionnel aujourd'hui ? Christian Anneix : Il y a deux façons de l'être : soit on continue d'être sonneur comme dans le passé, c'est-à-dire en allant de temps en temps jouer dans un fest-noz de sa région, soit on s'y consacre totalement et on passe de l'état de sonneur à celui de musicien professionnel. Dans la première hypothèse, on travaille par ailleurs, avec la chance, en France, d'obtenir le statut d'intermittant du spectacle, sans quoi il serait vraiment très difficile de vivre de la musique. Et à partir de là, on va pouvoir travailler son instrument plus en profondeur et essayer d'en exploiter les multiples ressources, dans les expressions les plus variées. Si on prend notre cas personnel, outre le fait de jouer en couple traditionnel, nous avons participé à des groupes comme La Godinette ou l'ensemble Gwenva pour animer les festou noz. Nous donnions ainsi plus de concerts, dans des groupes uniquement accoustiques combinant les instruments principaux de Bretagne, c'est-à-dire l'accordéon et le violon pour la Haute-Bretagne, le biniou et la bombarde pour la Basse-Bretagne. Nous pouvions donc faire de la musique des différents terroirs de Bretagne et dans toutes les tonalités. Rencontre avec deux musiciens traditionnels bretons Cahiers d'ethnomusicologie, 8 | 1995 Rencontre avec deux musiciens traditionnels bretons Cahiers d'ethnomusicologie, 8 | 1995 Rencontre avec deux musiciens traditionnels bretons Cahiers d'ethnomusicologie, 8 | 1995 Oui, ça nous arrive aussi. A une certaine époque, et même encore maintenant de temps en temps, nous étions invités pour sonner soit à l'église, soit à la sortie de l'église. Dans l'église même ? Oui ! Avant, nous étions interdits de séjour. Maintenant on nous accepte. Nous avons d'ailleurs tout un répertoire de cantiques... enfin, on s'adapte aux situations, aux circonstances. Jean Baron a aussi travaillé avec un organiste... Oui, il donne des concerts bombarde et orgue avec Michel Ghesquière, et maintenant, il commence à être aussi spécialiste de ce répertoire de musique sacrée. Ça a un peu déteint sur moi... C'est-à-dire ? Avec notre groupe Gwenva, nous avons rarement eu l'occasion de jouer dans des noces. On s'est plutôt spécialisé pour donner des concerts dans les chapelles en Bretagne. Ce sont souvent des lieux d'écoute « naturels ». C'est cela, sans aucune sonorisation. Et dans ces lieux-là, on inclut un ou deux cantiques. Parlons un peu du répertoire. Dans un fest-noz, il s'agit de danses, plus ou moins en continuité avec la tradition. Qu'en est-il du concert ? Avez-vous un public de concert différent du public de fest-noz ? Oui, je pense. Dès le départ la démarche est différente. Celui qui va à un fest-noz s'y rend pour participer activement, pour se remuer, alors que dans un concert on s'assied et on écoute. On apprécie ou non, mais dans le concert, nous essayons de suivre un fil Rencontre avec deux musiciens traditionnels bretons Cahiers d'ethnomusicologie, 8 | 1995
doi:10.2307/40240240 fatcat:frdmpiytnfdzfieydvfllwr53u