Interactions à visée d'apprentissage et différences individuelles [chapter]

Isabelle Olry-Louis
Interactions dans le groupe et apprentissages  
Les interactions communicatives constituent un champ de recherches pluridisciplinaire fécond depuis une bonne trentaine d'années. Définies comme relatives à « toute action conjointe, conflictuelle et/ou coopérative, mettant en présence deux ou plus de deux acteurs » 2 ou à « l'influence réciproque que les participants exercent sur leurs actions respectives lorsqu'ils sont en présence physique immédiate » 3 , elles sont généralement étudiées sous le prisme du langage, de la cognition et de
more » ... uence sociale, qu'elles soient traitées en référence au champ du travail, à celui de la santé ou à celui de l'éducation 4 . Interactions communicatives et psychologie Aussi les interactions ont-elles toujours intéressé la psychologie, notamment la psychologie sociale de la communication et la psychologie du développement, bien que plusieurs obstacles épistémologiques aient longtemps entravé l'application des approches interactionnistes à ces disciplines. On peut en citer deux : a) la prédominance d'une conception subjective qui privilégie dans la description et surtout dans l'explication, l'étude du sujet humain isolé, doté de structures psychiques cognitives et affectives qui lui sont propres, b) la focalisation de l'attention sur les caractéristiques objectives du monde physique sans accorder à la situation ou au contexte une grande importance. Or, l'étude des interactions implique une conception plus complexe, intersubjective et inter-objective qui permette de penser les phénomènes cognitifs comme dépendants, dans une certaine mesure, des circonstances et des transactions Manuscrit auteur, publié dans "Interactions dans le groupe et apprentissages., Hugon, Marie-Anne ; Le Cunff, Catherine (Ed.) (2011) pp. 31-41." Chapitre publié in Hugon, M.A. & Le Cunff, C. (Eds.)(2011 ). Interactions dans le groupe et apprentissages. Nanterre : Presses universitaires de Paris Ouest. 2 entre des acteurs sociaux engagés dans des activités finalisées et dotés de représentations qui seront progressivement partagées. Si cette conception a commencé à s'imposer avec le tournant pragmatique en psychologie 5 , ce qui distingue aujourd'hui encore l'approche psychologique des approches conversationnelles issues de la pragmatique concerne la place accordée au corpus, le choix des situations examinées et la mise en oeuvre de méthodes spécifiques. En effet, si le corpus est jugé indispensable, il est le plus souvent examiné en référence à d'autres données, le langage et son fonctionnement interne n'étant donc que très rarement pris pour uniques objets d'étude. Par ailleurs, bien que quelques observations s'effectuent en milieu naturel -notamment lorsqu'on s'intéresse aux interactions parent-jeune enfant -on ne se refuse pas non plus la possibilité d'aménager ces situations en utilisant, pour les travaux effectués en classe, des tâches standardisées et, pour les travaux relatifs au travail, en se dotant d'un dispositif d'observation bien défini, comme c'est le cas avec les autoconfrontations croisées par exemple 6 . On peut aussi recourir à des situations artificielles de laboratoire, lorsque l'on s'intéresse, par exemple, à la résolution de problèmes à plusieurs. Enfin, des méthodes systématiques sont mises au service d'approches qui peuvent être cliniques, expérimentales, ou différentielles. L'option méthodologique, que nous qualifions de clinique, consiste à se référer à des cas singuliers en sélectionnant des extraits de corpus soumis à une analyse qualitative, souvent séquentielle, afin de décrire des processus dans le dialogue. La seconde option, typiquement expérimentale, se fixe de manipuler des variables, liées par exemple à la constitution des groupes ou à la tâche et d'évaluer leurs effets sur les conduites observées. La troisième option, que nous appelons différentielle, se fonde sur les différences individuelles, dont elle fournit des descriptions quantitatives au moyen d'instruments psychométriques, ou bien des descriptions qualitatives au moyen d'analyses systématiques appliquées à une partie ou à la totalité du corpus. Cette dernière option constituant l'objet de ce chapitre, elle fera l'objet d'un développement conséquent une fois que les interactions communicatives auxquelles on s'intéresse auront été définies précisément. . Interactions dans le groupe et apprentissages. Nanterre : Presses universitaires de Paris Ouest. 6 Dans une autre étude 19 , on s'est attaché à caractériser les rôles interlocutoires de cinq participants à une réunion de travail enregistrée dans une agence de publicité à partir de la catégorisation des actes de parole proposée par Chabrol et Bromberg 20 . Parce qu'elle conduit à une description fine de l'activité verbale au sein d'équipes de travail, la notion de rôles interlocutoires s'est avérée particulièrement prometteuse. La variabilité intra-individuelle peut être mise en évidence lorsqu'un même sujet a recours à des conduites interactionnelles différentes à différents moments d'une même situation. On étudie alors la variabilité dans le temps. L'analyse de la dynamique interactionnelle à partir de données séquentielles en constitue une bonne illustration. Danis, Santolini, et Tijus 21 ont ainsi étudié, pour une tâche de lecture d'album, comment, dans le cours de l'interaction, le niveau des propositions d'un adulte agit sur le niveau des propositions d'un enfant, et inversement. L'évolution des transactions verbales entre ces deux interlocuteurs tout au long de la tâche montre que l'initiation du changement de niveau d'une intervention de l'enfant revient généralement à l'adulte. L'on peut aussi s'intéresser aux variations induites expérimentalement dans la situation étudiée. C'est ce que font par exemple Horn et al. 22 lorsque, en cours de tâche, ils contraignent les membres d'une dyade à changer d'interlocuteur. Ils montrent alors toute l'importance de l'affinité éprouvée à l'égard du partenaire pour le type d'interactions et pour la réussite dans la tâche. La variabilité interactionnelle est appréhendée lorsque l'unité d'analyse n'est plus le sujet mais un ensemble de participants -une dyade ou un petit groupe -, entretenant entre eux des modalités d'échanges spécifiques. Ici, on prendra pour premier exemple l'étude de Soidet 23 qui examine les interactions dyadiques entre des lycéens tuteurs bien entraînés à résoudre le
doi:10.4000/books.pupo.3187 fatcat:t4mdg7awtrafxccyazwhvxrgfm