Dynamique des groupes et éducations alternatives. Une confrontation

Pierre De Visscher
2010 Les cahiers internationaux de psychologie sociale  
Distribution électronique Cairn.info pour Presses universitaires de Liège. © Presses universitaires de Liège. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque
more » ... ière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Professeur émérite, Université de Liège (psychologie sociale et dynamique des groupes), Liège, Belgique © Presses universitaires de Liège | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) © Presses universitaires de Liège | Téléchargé le 20/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 207.241.231.83) Sont confrontés : la taxinomie, le mode de construct et les constituants des paradigmes sous-tendant les pratiques tant de la dynamique que de l'animatique des groupes restreints post-lewiniennes d'une part et les formes les plus courantes de l' éducation continuée et/ou alternative des adultes d'autre part : "animation socio-culturelle", "démocratie culturelle", "éducation permanente", "éducation populaire", "apprentissage tout au long de la vie". L'accent est mis sur la congruence des pratiques tant groupales qu' éducatives et l'aspect "creuset de solidarité" de chacune d'elles. La correspondance pour cet article doit être adressée à Pierre De Visscher, 75 route de Liège, 4141 Louveigné, Belgique. Courriel : . CIPS n°88 -2010 -pp. 683-729 686 Groupal, social, sociétal : de quoi parle-t-on ? ou Du bon usage du mot groupe « Aussi audacieux soit-il d'explorer l'inconnu il l'est plus encore de remettre le connu en question » Kaspar 2.1. Un souci de rigueur : génidentité ou systèmes conceptuels clos ? Kurt Lewin (1922) a mis en évidence le concept de génidentité, c'est-à-dire le fait de considérer implicitement qu'un objet en transformation reste le même à différents moments. En ce sens, biologiquement parlant, oeuf, poussin, poule ou coq apparaissent « génidentiques » à des moments distincts, et pourtant toutes les molécules de leur corps ont changé. Il s'ensuit que ce que le biochimiste dégagera à propos de l'oeuf ne sera aucunement transposable au poussin. À ce propos, Lewin a mis l'accent sur le caractère clos de tout système conceptuel, propre à une discipline scientifique déterminée. Ainsi, dans l'univers « psycho-social », qu'estce qui autorise à utiliser les données recueillies entre deux personnes en conflit pour les appliquer à ce qui se passe au sein d'un groupe restreint, et de là à les transposer à un groupe social existant (par exemple à un syndicat), voire à passer à une catégorie (comme la catégorie socio-économique du « prolétaire ») quand ce n'est pas à la Société globale ?! Or, nombreux sont les auteurs à passer en toute impunité d'une entité à l'autre, à tirer des conclusions abusives en les transposant à un ensemble distinct de celui qui fut leur objet d'étude. Il s'avère indispensable de délimiter exactement le plan sur lequel on se focalise. Groupal, social, sociétal ne se situent pas sur le même plan. Le plan groupal groupements fictifs, pseudo groupes ou groupes réels ? Pour certains psychologues cognitivistes contemporains, le groupe n'est plus la réalité concrète, l'unité sociale réelle qu'appréhendent depuis des siècles sociologues, politologues, anthropologues et bien d'autres. Selon eux, « le groupe s'est littéralement réduit à une catégorie sociale qui détient son existence de la perception que l'on en a. [...] Il n'est donc plus question de scruter la cohésion ou les réseaux de communication de tels groupes puisqu'on s'adresse uniquement à quelqu'un qui a en tête l'existence de ces groupes, à un percevant comme on dit dans le jargon, et à un seul à la fois » (Leyens, 1997 ; p. 127). Dans une telle perspective, catégories, groupes sociaux, groupes restreints, genres, religions, ethnies, nations ne sont plus alors que des prénoms ; « groupe » est leur nom de famille. Cette appropriation est justifiée uniquement par la seule conscience qu'aurait chaque personne de percevoir une entité, fût-ce une catégorie voire un rassemblement circonstanciel. Ceci rejoint, en toute naïveté, les usages irréfléchis du langage quotidien : le mot « groupe » y est utilisé de façon hyper extensive pour désigner n'importe quelle entité sociale qu'elle soit effective, perçue ou supposée ! On qualifiera de « groupe » le couple d'amoureux sur banc public, les supporters déchaînés lors d'un match de football, la poignée de personnes attendant le bus 66, les Musulmans de mon quartier, les fans de la Star Academy, l'ensemble des fem-Le concept « groupe » est à réserver à des entités psychosociales ayant une réalité sociologique effective. La définition la plus précise du groupe, selon moi, est celle qu'a élaborée Lewin dans un article de 1940 : « un groupe est plus que, ou plus exactement, différent de la somme de ses membres. Il a sa propre structure, et des relations propres avec d'autres groupes. L'essence du groupe n'est pas la similarité ni la dissimilarité de ses membres, mais leur interdépendance. Chaque groupe peut être caractérisé comme une totalité dynamique ; un changement dans l'état d'une de ses sous-parties change l'état de n'importe quelle autre sous-partie.
doi:10.3917/cips.088.0683 fatcat:7zubdqtjsfextmbfq765ljety4