Une biographie de la lanterne à « réverbères » : gestion collective de l'innovation, script technique et réticulation spatiale de l'artifice
Benjamin Bothereau
2020
Technologie et innovation
La lanterne « à réverbères » aussi appelée « optique » est une version améliorée de la lanterne ordinaire qui optimise l'intensité lumineuse en utilisant des artifices, les réflecteurs métalliques concaves (réverbères), afin de diriger le flux lumineux. Si l'historiographie s'est focalisée sur la lampe d'Argand, nous avons ainsi construit notre étude autour d'un élément technique moins noble, peu valorisé, le réflecteur métallique. Partant de l'artifice vers l'objet en action de rue, l'objectif
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... de cet biographie d'innovation est de mettre en valeur les modes d'existence de la lanterne, en particulier sa genèse technique et sa technophanie, afin de redonner l'épaisseur sociale et politique que cet objet, en apparence trivial et banal, a pu revêtir et sa participation à la culture technique. ABSTRACT. The street light à réverbères, also known as the "optical" street light, is an improved version of the ordinary street light which optimizes the luminous intensity of the lantern by using concave metal reflectors to direct the beam of light where needed. Although history chooses to focus on the Argand lamp, this article deals with a far less dignified and valued technical element: the reflector. From the technical scheme to its use, this paper presents the history of this lighting innovation, and seeks to shed light upon the multi-layered and entwined nature of this seemingly trivial and banal artefact. MOTS-CLÉS. Biographie d'objet technique, innovation d'éclairage, technophanie, imaginaire technique, police, territoire urbain, abstraction géométrique, rationalisation, réticulation spatiale, l'objet et son milieu. avantages qui est voulue comme le montre le rejet de la pièce n°11 par la commission 3 : il s'agit d'un mémoire de catoptrique de M. Genty, professeur à Orléans qui recherche la forme la plus avantageuse à donner aux réverbères en calculant les quantités de lumière réfléchie. Pour les commissaires, « c'est une simple théorie, il n'est pas question dans son mémoire des autres conditions du problème posé ». Ils écartent donc ce mémoire, actant que « cet ouvrage n'est pas dans le cas de concourir au Prix ». Le programme du Prix est un cahier des charges de l'objet technique, hybride dans son descriptif entre les devis de fabrication de lanternes et les baux du service d'éclairage. Si l'énoncé du Concours mentionne une seule fois la notion de performance en cherchant la « clarté », le détail du cahier des charges laisse transparaitre la vraie valeur du dispositif technique recherché. Sur les sept points auxquels doit répondre la solution d'éclairage, seul le point 4 concerne la disposition des lanternes pour « augmenter la lumière ». Si ce point précise de « diminuer les ombres » c'est que c'est moins l'augmentation de la luminosité que l'homogénéité lumineuse qui est à la clé. Les finalités du dispositif technique sont en revanche clairement établies dans les points 1, 2, 6 et 7. Le premier et le deuxième point s'intéressent au coût et à la durabilité du dispositif en demandant une étude sur la nature du combustible pour «diminuer ses inconvénients et son prix» , rendre la flamme « plus capable de résister soit au vent, soit à l'humidité de l'air, soit à la gelée » et un travail sur la nature de la mèche pour «éclairer toujours également pendant plusieurs heures». Les sixième et septième points combinent une demande en solidité et en fonctionnalité du dispositif avec une recherche des « suspensions les plus solides et les plus commodes » et des « constructions et dispositions les plus favorables pour la solidité et la facilité du service ». La nouvelle valeur du système d'éclairage-« la clarté, la facilité du service et l'économie » combinés-s'ancre donc bien dans la dynamique de recherche des «moyens d'économie» [VER 93] qu'ils offrent à la nation ou à la société 4 . La question financière est également primordiale ici car l'éclairage public est une source de dépenses, enflant jusqu'à devenir le premier poste de dépense de la police parisienne dans les années 1780. Comme le montre Hélène Vérin, l'exigence du bien public dans la rhétorique du pouvoir, va réévaluer les avantages des objets techniques : plus que la performance, ce sont le coût des réalisations, la solidité des objets, leur fonctionnalité et leur durée qui intéressent alors l'économie du pays. La presse d'annonces techniques se fait le relai de cette politique technicienne dans un article de 1765 consacré à la présentation du concours : Technologie et Innovation, 2020, vol. 5, n° 2
doi:10.21494/iste.op.2020.0484
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