les lecteurs parlent : Au revoir à la Forêt Privée

A. MICHEL, R. SCHAEFFER
1967 Revue Forestière Française  
Au revoir à la Forêt Privée Nous avons reçu de M. l'Ingénieur en Chef MICHEL, D.D.A, à Albi, une intéressante lettre dont nous extrayons les lignes suivantes: Dans un prêche d'une haute élévation de pensée, M. LORNE*, en effet, souhaite que la Forêt Privée sache s'imposer des règles de gestion dans le cadre d'un aménagement strict; l'application d'une sylviculture de rendement maximum doit être protégée contre les besoins imprévus ou les fantaisies du propriétaire. C'est que le propriétaire
more » ... bien en général et ceci est plus clair pour la forêt, n'est qu'un gestionnaire temporaire tenu à des devoirs impérieux vis-à-vis de ses successeurs, mais aussi de la Nation (nous dirions même, de l'humanité). Sans mettre en cause la part de vérité contenue dans ces propos, nous ajouterons quelques points d'interrogation à cet exposé déjà chargé à cet égard. Est-il tellement mauvais intendant devant Dieu et devant les hommes, le propriétaire qui cherche surtout dans sa forêt une activité de délassement contre les soucis professionnels qui l'assaillent le restant de la semaine? Cette perte de rentabilité forestière n'est-elle pas compensée par un surcroît de rentabilité par ailleurs? Et puis, est-il tellement sûr que la vente des bois soit le profit principal qu'un propriétaire doive chercher à tirer de sa forêt? La chasse et le tourisme, par exemple, seraient-ils des profits illégitimes? A l'heure où on s'aperçoit bien tardivement, malgré tant d'appels de forestiers méditerranéens, que l'utilité de la forêt comme productrice de bois est en passe de devenir secondaire pour bien des massifs, est-il opportun de contraindre la Forêt Privée à sacrifier des intérêts légitimes sur l'autel du dieu Production? Un plan de gestion peut être basé sur d'autres objectifs et cela est admis. Quant à l'institution d'un organisme mi-Crédit Agricole, mi-FFN, pour assurer une sorte de péréquation nationale entre les revenus forestiers des divers propriétaires, je crois que le problème véritable est ailleurs. Si M. LORNE est en difficulté dans ses réflexions, n'est-ce pas parce qu'il considère la Forêt comme une entité isolée, repliée sur elle-même, refusant toute interférence avec les autres activités économiques? Même pour l'Etat, la forêt n'est jamais qu'une partie du patrimoine. Quel sens donner à l'expression «: assurer un rendement argent net maximum par ha/an »? Le rendement est fonction des investissements que le propriétaire consent sur son terrain (de l'énergie injectée pour employer un autre vocabulaire). Plus il investit, à bon escient, plus il peut espérer un rendement élevé dans l'avenir. Mais le taux de placement varie selon les investissements et un taux affaibli correspondant au rendement maximal: c'est la loi de toute production agricole. Là n'est sûrement pas l'intérêt du propriétaire. L'est-il même de la collectivité? Non plus, car il y a toujours choix entre plusieurs investissements possibles agricoles, industriels ou commerciaux. Que l'Administration veille à ce que chaque propriétaire mette en valeur le domaine forestier dont il est responsable vis-à-vis de la Collectivité nationale, nous sommes bien d'accord avec M. LORNE et la loi. Mais qu'on lui * R.F.F., juillet 1967, « Au revoir à la forêt privée ».
doi:10.4267/2042/24855 fatcat:f6anp2ux3fbx7hg6bh4yc6xcqq