Le religieux en Occident : Pensée des déplacements
[book]
Jean-Louis Schlegel, Pierre Colin, Stanislas Breton, Antoine Delzant, Gwendoline Jarczyk
1988
unpublished
Ce document a été généré automatiquement le 4 juin 2019. Il est issu d'une numérisation par reconnaissance optique de caractères. © Presses de l'Université Saint-Louis, 1988 12 Même si le tournant cartésien est la date de naissance symbolique du « sujet » moderne, ce dernier ne prend consistance et contenu (des consistances et des contenus différenciés d'ailleurs) qu'aux XVIII e et XIX e siècles. Mais il prend très particulièrement la figure du sujet libéral et bourgeois 1 , dont je rappelle
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... lques traits pertinents pour notre propos. 13 C'est le sujet autonome, qui se donne lui-même sa loi, qui ne la reçoit et ne l'accepte donc plus d'une instance extérieure : il s'émancipe de toute « hétéronomie », cette hétéronomie qui a gouverné la vie et la pensée pendant des millénaires : transcendance, surnaturel, loi naturelle, traditions et coutumes non réfléchies, autorités humaines qui n'ont pas reçu le sceau d'une légitimité. Pour ce sujet, la légitimité politique, scientifique, professionnelle, religieuse est essentielle comme critère de validité. 14 Cet homme construit lui-même son monde économique et sa cité politique. L'un de ses critères d'action par excellence est l'utile et l'efficace -valeur-clé de la modernité dès le XVIII e siècle, dénoncée et raillée déjà par Hegel. Une coupure de plus en plus nette est supposée entre vie publique -définie et menée selon des principes et des procédures de plus en plus rationnels, avec des champs de réalité de plus en plus spécialisés, -et l'univers privé, où peuvent s'exprimer des convictions religieuses et morales, où la vie se vit dans ses « autres » dimensions, celles dont le public n'a cure. J'appelle ici rationnel, au sens weberien, l'absence de critères magiques ou surnaturels, au sens large, pour définir la validité des divers domaines de la réalité (c'est vrai notamment du droit, par exemple, dans la Cité moderne). 17 Dans un premier temps, l'individualisme objet du discours sociologique et philosophique était restreint à certaines classes sociales (la bourgeoisie), et encore. Surtout, les cadres de la vie collective et privée restaient largement dominés par les valeurs d'ordre, d'autorité, de discipline, d'ascèse peut-être. L'individu proclamé autonome par les philosophes l'était finalement très peu dans la vie concrète, il était encadré et s'encadrait lui-même dans des organisations, des cadres de pensée, des disciplines collectives, il était immergé dans des règles uniformes dans la vie politique, productive, scolaire, ses particularités étaient systématiquement gommées dans des lois universelles et faites pour tous, que ce soit une « volonté générale », des conventions sociales, un impératif moral, des règlements fixes et standardisés, la soumission à un parti fût-il révolutionnaire, etc. 18 Quelle serait alors la révolution récemment arrivée, qui a mis fin à cette période déjà derrière nous ? « Le droit à la liberté jusqu'ici circonscrit dans l'économique, le politique, le savoir, gagne les moeurs et le quotidien. Vivre libre sans contrainte, choisir de part en NOTES 1. Cf. JB METZ, La foi dans l'histoire et dans la société,
doi:10.4000/books.pusl.5978
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