Le principe d'immanence et la transitivité du langage
Ahmed Kharbouch
2010
Actes Sémiotiques n°118
unpublished
Traiter aujourd'hui du principe d'immanence peut paraître désuet à bon nombre de linguistes et d'analystes du langage, tant les centres d'intérêt, aussi bien au niveau méthodologique que dans le choix des données à traiter, ont changé. Cependant, nous croyons que le débat autour de la validité et de la portée de ce principe restent d'actualité surtout pour ceux soucieux de toujours construire leur recherche sur des fondements solides. Par exemple, pour la sémiotique dite de l'Ecole de Paris, il
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... s'agit de s'interroger sur l'éventuelle « ouverture » de l'héritage greimassien vers d'autres domaines tels que la phénoménologie ou la sociologie mais aussi de l'« ouverture » de l'objet sémiotique vers un mystérieux et informe « entour pragmatique » (c'était le thème traité par le séminaire parisien de sémiotique générale pendant l'année 2013-2014 : « Principe d'immanence et entour pragmatique »). Notons que ce souci d'ouverture n'est pas récent chez les analystes du langage. Déjà en 1980, Catherine Kerbrat-Orecchioni, dans son ouvrage de synthèse sur L'énonciation. De la subjectivité dans le langage, après avoir noté que « la perspective immanente, cet horizon méthodologique vers lequel la linguistique s'est efforcée de tendre asymptotiquement, apparaît aujourd'hui plus réductrice que productrice », parle d'un « immanentisme ouvert » qui consiste à admettre qu'il est « légitime, voire nécessaire, d'accorder une place, au sein de la théorie linguistique, à certaines considérations jugées précédemment 'extravagantes', concernant les conditions de production/réception du message, ainsi que la nature et le statut particulier de l'énonciateur, de l'énonciataire, et de la situation d'énonciation » 1. De même, François Rastier, à qui on doit d'ailleurs l'expression « entour pragmatique » utilisée sporadiquement dans sa Sémantique interprétative 2 , et d'une manière plus substantielle et explicite dans Sens et textualité, critique sévèrement la position méthodologique qui consiste à ne prendre en considération que le « texte seul (isolé de son entour linguistique et 'pragmatique') » 3. Plus près de nous, Jean-Claude Coquet, « compagnon de route » de Greimas, pose des questions brûlantes aux analystes du langage en revenant sur ce thème de l'« ouverture » dans un ouvrage portant sur les fondements phénoménologiques de la linguistique et de la sémiotique : « est-ce que le langage peut s'ouvrir à la réalité donnée où nous habitons ? Et si oui, comment procède-t-il pour associer et dissocier ce qui appartient aux « choses » (à la phusis) et à l' « esprit » (au logos) ? » 4 .
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