Et quelques voix de plus: de Francisco Núñez Muley à Fatima Ratal
Bernard Vincent
1995
Sharq Al-Andalus
Que n'a t-on lu ou entendu à propos de la "nation" mudejar et morisque? Il a été dit et répété à satiété qu'elle était une communauté sans cesse soumise à la méfiance, au soupçon ou à la haine de la société majoritaire et donc vouée au repli, au silence ou à la clandestinité. Dés lors, il semblait que pour tenter de cerner ses activités ou/et ses aspirations, nous étions contraints de nous en remettre aux discours des autres, de l'Autre chrétien, il est vrai intarissable en la matière. Et si
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... spécialistes de la littératura aljamiada ont découvert un nombre non négligeable de manuscrits où les minoritaires s'expriment, longtemps nous avons cru que cet apport était limité à deux époques, celle mudejar antérieure à 1525 et celle de la diaspora, postérieure à 1609. Nous savons aujourd'hui que sa production a été continué. Mais en dehors de ce filon, les possibilités de donner la parole aux musulmans ou crypto-musulmans soumis au joug chrétien ont semblé minces. Dans ces conditions proposer pour thème d'une rencontre "la voix des mudejars et des morisques" était une gageure. Pourtant au terme des trois journées de travail nous pouvons sans aucune hésitation affirmer que le pari a été tenu. La preuve a été apportée que les voies à emprunter sont multiples. Des ressources de l'épigraphie et de la toponymie à celles de la littérature de fiction favorable aux morisques, des apports des sources judiciaires à ceux des sources notariales, les pages qui précèdent apportent maints exemples sur lesquels nous devons méditer. La diversité des approches révèle l'existence de voix multiples qui plus ou moins discrètes cherchent à se faire entendre. Déjà, à l'heure de l'établissement du programme, María Jesús Rubiera et ívlíkel de Epalza en avaient eu l'intuition. De la voix des mudejars à celle des morisques, de la voix des aragonais à celle des grenadins, de la voix de la tradition à celle de l'exil ils avaient souligné la richesse des angles d'attaque selon le statut, le lieu, le temps, le support matériel. Et si les voix directes des mudejars et morisques restent rares, les voix indirectes sont innombrables pour peu que nous voulions bien leur prêter attention. C'est là, indéniablement, l'enseignement majeur de notre rencontre. École des Hautes Études, Paris. 131
doi:10.14198/shand.1995.12.06
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