Les photographies de la « Semaine tragique » dans la presse illustrée catalane : les images d'une insurrection

Jean-Paul Aubert
2018 Fotocinema: Revista Científica de Cine y Fotografía  
Du 26 juillet au 2 août 1909, Barcelone et plusieurs autres villes catalanes sont secouées par une révolte populaire d'une ampleur inédite. Ces événements, connus sous le nom de « Semaine tragique » 1 , trouvent leur origine dans le refus d'une partie de la population barcelonaise de laisser les soldats réservistes s'embarquer pour le Maroc où l'Espagne mène une guerre coloniale. Les premières manifestations débouchent rapidement sur une grève générale, puis sur une remise en cause plus
more » ... de l'ordre social et politique. Épicentre de la révolte, Barcelone se hérisse de barricades. Des comités révolutionnaires voient le jour tandis que la révolte prend un tour de plus en plus anticlérical et que des édifices religieux sont incendiés. Très vite cependant, l'insurrection est noyée dans le sang et la répression s'abat sur la population ouvrière et sur ceux que les autorités considèrent comme les meneurs. Parmi ceux-là figure notamment le libre-penseur et pédagogue, fondateur de la « Escuela Moderna », Francisco Ferrer i Guardia. Arrêté, condamné à mort, il est exécuté le 13 octobre. La définition même des événements, révolte spontanée ou véritable Commune révolutionnaire, fit, sur le moment même, l'objet de controverses. La question fait encore débat parmi les historiens (Pich Mitjana, 2015, pp. 173-206). Mais, ce qui ne fait guère de doute, en revanche, c'est que la « Semaine Tragique » marque 1 Les événements dont il sera question ici furent tour à tour désignés comme « Sucesos de Barcelona », « Semana Roja », « Semana Triste », « Revolta de Barcelona », « Fets Vandàlics »..., mais c'est finalement sous celui de « Semana trágica» qu'ils passèrent à la postérité. On perçoit, à travers ces hésitations, combien nommer un événement revient en quelque sorte à en donner une interprétation particulière. En s'imposant finalement, grâce notamment au concours d'une presse le plus souvent hostile aux insurgés, l'expression « Semaine Tragique » n'a finalement voulu conserver que la conclusion dramatique de ces journées, évacuant par la même occasion les potentialités révolutionnaires et les rêves de radicalité qu'elles avaient pu faire naître. Le mot « semaine » enferme, quant à lui, l'événement dans une chronologie restreinte et semble le limiter à une courte parenthèse, une sorte d'interruption regrettable du cours des choses. Ce n'est donc pas sans réserves que nous adoptons pour cet article l'expression « Semaine Tragique ».
doi:10.24310/fotocinema.2018.v0i17.5099 fatcat:pecbcfnwwjbgxmhziwk7oefczy