L'expérience subjective de la « nature » : réflexions méthodologiques
Jean-Michel Le Bot
2013
Natures sciences sociétés
Sociologue, CIAPHS (ex-LAS-LARES) EA 2241 1 , Université Rennes 2, 35000 Rennes, France Cet article propose un rapprochement étonnant et original : le rapport à la douleur et le rapport à la nature chez des citadins. Ce que ces derniers disent de la « nature ordinaire » est en apparence assez pauvre. Mais comme dans le cas de la douleur, ils en parlent malgré tout, et ce qu'ils disent, selon l'auteur, n'est pas sans enseignement sur le rapport des humains à la nature. Après avoir réservé à
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... èce humaine le fait de penser et d'avoir une âme, la recherche a apporté deux types de connaissances pour éclairer le mystère de la différence entre les hommes et les autres espèces : d'une part des molécules universelles mais aux édifices originaux, d'autre part l'intégration de l'homme dans l'histoire évolutive des êtres vivants. Mais, estime l'auteur, une part de mystère demeure dans le monde moderne. C'est en cela que le rapport à la nature renvoie au rapport à la douleur car la représentation qu'en ont les citadins est tout aussi ambiguë. Il propose que la douleur soit intégrée, comme l'homme, dans la nature ordinaire, et qu'un dialogue sur les objectifs à élucider et sur la méthode d'approche s'engage entre cliniciens et sociologues. La Rédaction Résumé -Il n'est pas si facile que cela de faire parler des citadins actuels au sujet de leur relation aux habitats et aux espèces présents dans leur environnement. Bien qu'ils disent se plaire au contact de ce qu'ils appellent la « nature » beaucoup d'enquêtés n'ont pas grand-chose de plus à en dire. Il y a là quelque chose de comparable à ce qui se passe dans le domaine de la douleur. « J'ai mal » : voilà parfois tout ce que pourront dire les patients souffrant de douleurs chroniques. À partir de ce constat d'une expérience dans les deux cas difficilement dicible, le présent article cherche à tirer quelques enseignements à la fois méthodologiques et phénoménologiques de la façon dont cette relation se dit malgré tout. Il nous a semblé en effet qu'une réflexion engagée par des cliniciens sur la description de leur douleur par des patients pouvait bénéficier également aux sociologues, ethnologues et anthropologues qui s'intéressent à la façon dont des citadins décrivent leur rapport au vivant. Abstract -The subjective experience of "Nature": methodological considerations. Getting city dwellers to speak about their relation with "nature" is in our experience not that easy. When asked to elaborate on that topic during semi-structured interviews conducted in public urban green spaces in three cities in the West of France (Angers, Nantes and Rennes), many interviewees had little to say. However strange this may seem, we believe this may compare with what is observed in the domain of chronic pain. In some instances of chronic pain, for example, the pain is so strong that the patient is unable to say anything other than "It hurts" or "I feel pain". Pain which, like nature, is a biological process, often seems inexpressible. In both cases -subjective experience of "nature", subjective experience of painfeelings are difficult to verbalize. But we also observed that, when encouraged to so, people try to overcome the inexpressible part of these experiences and attempt to verbalize them. The present paper seeks to draw some methodological and phenomenological lessons from such attempts to overcome the inexpressible in these experiences. We show that the analysis of descriptions by patients of their pain undertaken by two colleagues can help sociologists, ethnologists and anthropologists to differentiate various factors involved in the descriptions by people of their subjective experiences of "nature". 1 Le CIAPHS présente la particularité d'associer des sociologues, des psychologues cliniciens et des chercheurs en sciences du langage. Article publié par EDP Sciences
doi:10.1051/nss/2013059
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