Les mots du jazz

Olivier Roueff
2001 L'Homme (En ligne)  
Référence électronique Olivier Roueff, « Les mots du jazz », L'Homme [En ligne], 158-159 | avril-septembre 2001, mis en ligne le 25 mai 2007, consulté le 06 janvier 2017. URL : http://lhomme.revues.org/111 ; DOI : 10.4000/ lhomme.111 Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée. © École des hautes études en sciences sociales N 1926 PARAISSAIT Le Jazz, ouvrage co-écrit par André Schaeffner, alors jeune musicologue, et André Coeuroy, critique musical déjà reconnu. Ils proposaient l'analyse
more » ... savante d'un genre musical qui commençait tout juste à être désigné par ce vocable : jazz. L'entreprise a été lue depuis comme allant de soi. Quelles que soient les querelles de définition, il existerait un genre dénommé « jazz » qui renverrait à des éléments sonores précis et identiques tout au long de son « histoire ». Schaeffner et Coeuroy seraient les pionniers de leur identification. L'ouvrage est ainsi placé en précurseur, premier d'une liste qui allait s'avérer être longue et dont chaque opus s'attache à décrire les caractéristiques d'un objet tangible, antérieur à toute entreprise de description. Tout se passe comme si le jazz était toujours déjà là, les analystes venant l'approcher, le cerner, le décortiquer. C'est oublier que décrire, interpréter, mettre en discours, constitue une pratique sociale au même titre que les autres : si elle fonctionne selon des modalités singulières et possède une efficacité propre, elle n'est pas extérieure (surplombante, motrice) aux réalités qu'elle désigne. La description isole des traits considérés comme pertinents et les réagence au sein d'une totalité discursive, si bien que l'« objet » de la description en est bien plus son résultat que son point de départ. Un genre musical existe donc, entre autres, après le passage du discours, quand celui-ci a pu mettre en relation des éléments aussi disparates que des performances musicales, des instruments, des groupes professionnels, des écrits musicaux, des textes littéraires, des idéologies, des publics, des industries (par exemple disque et cinéma), des émotions... Il existe d'autant plus durablement que ce discours est pertinent au regard des contraintes (qui sont aussi des appuis) induites par les fonctionnements de chacun de ces éléments, et qu'il est accepté par
doi:10.4000/lhomme.111 fatcat:7a7xwdn2rbewbioqeprats2nke