Considérations sur la fortune de ça en français
Albert Henry
1955
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Étymologiquement, il s'agit, comme on sait, de ecce hac; cf. FEW, IV, 372. Employé seul, il commence à devenir archaïque vers le xvic siècle. On le rencontre encore au xvne siècle, avec le verbe venir : Le Docteur. -Venez vous, dites-moi un peu quelle est la cause1... ÇÀ dit interjection. -D'après le FEW (IN, 372b), ça «interjection servant à interpeller quelqu'un, à exciter», est en usage depuis Malherbe, or ça depuis Scarron. Mais on peut relever ces emplois interjectifs de ça et de or ça dès l'ancien français. Le dictionnaire de Tobler-Lommatzsch enregistre plusieurs textes qui permettent de voir comment du sens adverbial « ici », avec idée de mouvement, on a pu glisser à l'idée d'invitation à faire le mouvement, puis à l'invitation seule, à l'excitation pure et simple. Dans ce vers du Chevalier au Lion, ça signifie « hieher (im Sinne eines Imper.) », Ça, mes armes et mon cheval; dans Et dist ¦' Or ça, trestuit a moi du Chevalier à la Charrette, ça a la valeur de « nun her mit, nun los, wohlan ». Nous pouvons voir dans ces deux emplois une étape intermédiaire entre le ça purement adverbial et le ça purement interjectif. Dans les exemples que voici, tout contact avec le sens adverbial est, en fait, rompu : Dont disi chescun ¦' or ça, or ça IPernon cest cors, si ie tolon. -Or ça, mengeron nos -¦ Or ça, dist elle, qui es tu Enfin, dans le vers suivant de Baudouin de Sebourg ([lX, 113), nous avons affaire à une valeur 1. La Jalousie du Barbouillé, se. VI; voir encore l'Ecole des femmes, II, 2 ; Georges Danàin, II, 8. Revue de linguistique romane. I 2 A. HENRY qui, à certains égards, a déjà quelque chose de très moderne : Et Gaufrois s escria : cha, ou sont mi ami Selon le processus connu, la signification initiale tend à être submergée par une valeur seconde. Au xviib siècle, çà et o([r)çà servent à interpeller, exciter, encourager" exhorter ou convier : Çà, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine -Çà, donnez-moi son manteau fourré, el des oreillers, que je l'accommode dans sa chaise (Malade imaginaire I, 6). -O çà ma fille, je vais vous dire une nouvelle, où peutêtre ne vous attendez-vous pas (ibid., I, 5). -Oh çà je m'en vais vous faire voir quelque chose, moi (ibid., II, 8). -Voyez-vous la petite-rusée Oh çà, cà! je vous pardonne pour cette fois-ci, pourvu que vous me disiez bien tout (ibid.,. 11,8'). M. J. Orr2, qui a bien vu que dans les expressions quinze ans deçà et ça alors il s'est produit une « métasématisation » du mot f«, une «identification avec le pronom », attire aussi l'attention sur o(r)ça et, à côté d'exemples du xvnc siècle où, selon lui, la « valeur locative de ça est encore sensible » [illustrée par l'exemple I, 5 du Malade imaginaire], il cite les deux exemples II, 8, « où la fonction à la fois exclamative et démonstrative du pronom moderne commence nettement à se dessiner». D'une part, je pense qu'il n'y a pas de valeur locative (Argan ne dit pas à sa fille de s'approcher); d'autre part, c'est aller un peu vite en besogne : le processus de métasématisation ne s'effectuera que plus tard, quand le pronom ça aura pris pied solidement dans la langue courante. Dans les. trois cas, o(h) çà I est bien l'interjection avec sa valeur « classique » ;. G. Cayrou reproduit la définition du Dictionnaire de l'Académie de 1694,. qui convient parfaitement : Eh bien!... Le xvme siècle conserve cet usage. Voltaire, par exemple, écrit dans Candide (OEuvres, éd. de la Pléiade, p. 223): Quand les deux curieux eurent pris congé de son Excellence : « Or çà, dit 1. Pour d'autres exemples, voir G. Cayrou, Le français classique, s. v. çà et or. 2. De quelques survivances dans le français populaire, dans Essais de philologie moderne 09S')> Paris, 1953. P-219-221. M. J. Orr est, à ma connaissance, le premier linguiste qui ait attiré clairement l'attention sur les phénomènes d'iuterférence entre fà adverbe et ra pronom. Mon étude était complètement rédigée quand j'ai pu lire, dans les Mélanges Ch. Bruneau, Genève, 1954, p. 29-34, un second article de M. J. Orr sur la même matière, Réflexions sur le français ça; je ferai cependant les renvois nécessaires à cette note pénétrante, qui s'occupe surtout de l'expression il y a de ça cinq ans. Ça est d'origine populaire. Parmi plusieurs exemples trouvés par Nisard dans des textes populaires du xviic siècle, le plus ancien est de 1649. On en trouve ensuite dans des lettres de grands écrivains. La Fontaine, le 10 septembre 1661, écrit à son ami M. de Maucroix : Mme de B... a reçu un billet où on lui mande qu'on a de Vinquiétude pour M. Pellisson : si ça est, c'est encore un grand surcroît de malheur... '. Mme de Sévigné, qui, sauf erreur, use toujours décela, rapporte, en se moquant, semble-t-il, du fâcheux qu'elle singe, dans une lettre de 1680 : Je crains M. de Molac, qui est ici, et qui viendra encore me dire vingt fois de suite, comme il fit une fio is que vous y étiez ¦' « Vous deviez bien in avertir de ¦ ça, vous deviez bien m avertir de ça. » Vous souvient-il de celte sottise 2 F. Brunot et Ch. Bruneau 3 disent que ça «semble s'être répandu à la fois dans la langue familière des gens distingués et dans le parler populaire », et ils font comparaître la Jacqueline du Médecin malgré lui * : Ah que ça est bien dit, notre homme, et le marquis de la Jeannotière, chez Voltaire. Mais ce second témoignage a peu de poids, car il s'agit justement d'un marquis de toute récente noblesse, hier homme du peuple. Il semble
doi:10.5169/seals-399180
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