Gestion des populations animales à petits effectifs. Accès aux dispositifs par l'analyse des controverses

Anne Lauvie, François Casabianca, Étienne Verrier, Annick Audiot, Hélène Brives
2007 Natures sciences sociétés  
Les éleveurs entretiennent des races domestiques à des fins diverses, y compris pour conserver des ressources génétiques originales. À propos des moutons landais, les auteurs expliquent comment chaque éleveur construit son image de la race, comment il la confronte à celle de ses confrères, comment cela retentit sur la pratique zootechnique. Le sujet est original en ce qu'il dessine une situation de controverse entre deux éleveurs dominants aux idées différentes, un groupe restreint de « petits
more » ... éleveurs de bonne volonté et un éco-musée intéressé, mais aux capacités instables. La Rédaction Mots-clés : dispositifs de gestion ; populations animales à petits effectifs ; interdisciplinarité zootechnie-sociologie ; controverse ; France Résumé -Les dispositifs de gestion de populations animales domestiques à petits effectifs sont difficiles à caractériser, du fait de la multiplicité des types d'acteurs impliqués et des types d'actions qu'ils peuvent mettre en oeuvre. Ces dispositifs revêtent de nombreuses dimensions, de la gestion génétique à la valorisation économique. Nous en proposons donc une approche qui, en analysant les controverses qui s'y développent, vise à une meilleure compréhension de la façon dont les choix techniques se construisent. Dans le cas du dispositif de gestion du mouton Landais, nous avons ainsi la possibilité d'identifier les acteurs ayant un poids particulier en les qualifiant selon leur position dans une controverse. Nous mettons aussi en évidence des relations entre aspects organisationnels et aspects zootechniques et l'importance primordiale de la définition de la race dans ces dispositifs (elle n'est souvent pas la même pour tous les acteurs). Se posent des questions d'articulation entre interventions nationales, régionales et locales dans la construction des choix techniques. Abstract -Rare Breed Management: analysing setups through controversies. Characterizing the management setups for rare breeds is difficult owing to the multiplicity of stakeholders and the diversity of management actions and practices. We propose to analyse the controversies that develop within these setups in order to better understand the way technical choices are made. Based on an interdisciplinary approach linking animal sciences and sociology, this work enables us to access interactions between various factors during key moments in the management history. The case of the French "Landais" sheep breed shows how this type of analysis enables us to focus on key stakeholders and to qualify stakeholders according to their position in a controversy. We also highlight the kind of information mobilized by the stakeholders and the links between organizational and technical aspects, as well as the crucial importance of the social definition of the breed. Auteur correspondant : A. Lauvie, anne.lauvie@toulouse.inra.fr Article published by EDP Sciences and available at http://www.nss-journal.org or http://dx.A. Lauvie et al. : Natures Sciences Sociétés 15, 154-161 (2007) 155 Encadré 1. Quelques références à la notion de race et aux qualificatifs associés De la population à la race L'expression « population animale » est, dans le contexte qui nous intéresse, une expression englobante pour désigner les populations d'animaux domestiques. Lauvergne (1986) propose une classification évolutive de ces populations à partir de l'espèce sauvage : populations traditionnelles, races standardisées, lignées sélectionnées. Selon cette classification, on parle donc de « population traditionnelle » pour des populations qui résultent de la première phase de domestication/sélection, avant le phénomène de standardisation qui conduit aux « races standardisées ». Définition légale de la race La race est, selon le législateur, « un ensemble d'animaux qui a suffisamment de points en commun pour pouvoir être considéré comme homogène par un ou plusieurs groupes d'éleveurs qui sont d'accord sur l'organisation du renouvellement des reproducteurs et des échanges induits, y compris au niveau international » (décret du ministère de l'Agriculture et de la Pêche en application de l'article 93 de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006). La race peut être abordée de multiples points de vue Vissac (1993) souligne le lien, lorsque l'on aborde les populations animales, entre définitions biologiques et culturelles. Audiot (1995) passe en revue divers points de vue portés sur la race : biologique, administratif, économique, pratique, culturel. Elle conclut sur une vision de la race comme produit d'un système social. Différents types de race -Race à standard : née en en Angleterre au XVIII e siècle et telle qu'elle est restée depuis dans la culture de l'éleveur sélectionneur et dans l'organisation de la sélection animale (Audiot et Rosset, 2004 ). -Race menacée : notion mise en avant dans les années 1970 (la Société d'ethnozootechnie parle alors de « race en péril »). Plus tard, on parlera pour ces mêmes races de « races à petits effectifs ». Dans la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 (article 1 er et article 3 du projet d'arrêté du ministère de l'Agriculture et de la Pêche du 4 décembre 2006), la distinction est faite entre races à petits effectifs (les critères sont essentiellement des critères d'effectifs seuils à partir desquels une race est considérée comme telle) et races menacées, qui peuvent être menacées du fait de leurs faibles effectifs, mais également pour d'autres raisons (si le programme de sélection mis en oeuvre met en danger la diversité génétique intraraciale ou suite aux conséquences d'un événement majeur ayant des répercussions graves sur sa gestion zootechnique). -Race locale : définie comme « une race majoritairement liée, par ses origines, son lieu et son mode d'élevage, à un territoire donné » (décret cité ci-dessus).
doi:10.1051/nss:2007042 fatcat:jituyokgmzg3zfrhigbdpuxz74