Réflexions sur la terminologie linguistique française à la lumière de trois grandes synthèses grammaticales du 20ème siècle
Olivier Soutet
2020
Studia Romanica et Anglica Zagrabiensia
Cette contribution vise à confronter les innovations terminologiques observables dans trois grandes synthèses grammaticales du français couvrant le XX è siècle et se situant entre ouvrages à soubassement théorique très fort et grammaires à visée simplement descriptive : l'Essai de grammaire de la langue française de Damourette et Pichon les Eléments de syntaxe structurale de Tesnière et la Grammaire critique du français de Wilmet. Mots-clés : XX è siècle, grammaire du français, terminologie,
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... stémologie, métalangue Le colloque que vous organisez à l'occasion du centième anniversaire de l'Institut de Romanistique de Zagreb est placé sous le signe de la commémoration, et invite de la sorte à privilégier les réflexions inscrites dans la longue durée. C'est dans cette longue durée et dans le cadre propre de la linguistique française que j'ai souhaité situer ma propre communication en faisant retour vers quelques grandes synthèses grammaticales, examinées sous l'angle de la terminologie auxquelles elles recourent. Au moment de réfléchir plus précisément au sujet que je pourrais proposer pour votre colloque, j'espérais encore que serait publiée la Grande Grammaire du Français (GGF) 1 annoncée depuis bien des années, ce qui m'aurait permis de mettre en regard deux entreprises de taille comparable : la GGF, projet pensé à la fin du XX è siècle, donc, et l'Essai de Grammaire de Langue Française (EGLF) de J. Damourette et E. Pichon conçu au début du XX è siècle et publié sur la durée d'une génération . La publication de la GGF ayant pris du retard, j'ai modifié mon projet et, sans renoncer à la question de la terminologie et à la prise en compte de la longue durée, remplacé la GGF par deux publications : les Eléments de syntaxe structurale (ESS) de L. Tesnière et la Grammaire critique du français (GCF) de M. Wilmet. 1 Aucune date ne semble annoncée. O. Soutet, Réflexions sur la terminologie linguistique française à la lumière... -SRAZ LXV, 33-45 (2020) Cette substitution n'a pas modifié, en revanche, l'esprit de mon propos, qui procède d'une double exclusion : exclusion, d'une part, des grammaires descriptives, qui s'en tiennent globalement à la terminologie héritée sans la problématiser véritablement, avec, comme titre-étendard, Le Bon usage de M. Grevisse ; exclusion, d'autre part, des grammaires à engagement théorique très fort, comme, pour s'en tenir à la tradition théorique en linguistique française, la Syntaxe fonctionnelle du français d'A. Martinet, dont le titre même renvoie à l'école fonctionnaliste, ou la Systématique de la langue française de G. Moignet, placée, on le sait, dans la dépendance directe de la psychomécanique du langage de G. Guillaume. Par nature, en effet, ce type d'ouvrage se situe non seulement dans le cadre théorique dont il se réclame mais aussi, et les deux choses ne sont pas dissociables, dans l'héritage terminologique lié au cadre théorique en question. Rien de tel à proprement parler dans les trois grandes sommes grammaticales que j'ai retenues : on aurait la plus grande peine à les rapporter à des courants théoriques clairement identifiables ; même le titre de l'ESS de Tesnière qui inclut le mot structural ne doit pas faire illusion : d'une part, on se gardera de confondre structural et structuraliste et, à supposer même qu'on tire le structural vers le structuraliste, force est de reconnaître qu'on n'y aura guère gagné en clarté dans la mesure où, pour plagier les Ecritures, il y a plusieurs demeures dans la maison structuraliste. Si, toutefois, ces sommes ne se confondent pas avec des grammaires descriptives, c'est parce que leurs auteurs, à des degrés divers, se sentent comme empêchés par la terminologie héritée et qu'ils refusent de se laisser empêcher -à la différence des auteurs des grammaires descriptives, qui, eux aussi, sont conscients des insuffisances de la terminologie mais hésitent à la modifier, sauf à la marge, par crainte que le remède ne soit pire que le mal et que le souci louable de mettre un peu de clarté là où il y a de la confusion ne fasse qu'ajouter de la confusion à la confusion. Refuser de s'en tenir à cette position conservatrice, c'est non seulement prendre un risque, mais c'est aussi reconnaître à la terminologie sa fonction éminente, qui va au-delà du simple étiquetage. Positivement, c'est postuler qu'elle doit satisfaire à des exigences de précision, d'adéquation à l'objet décrit ou bien encore de cohérence. Autant dire que la question de la terminologie et la manière qu'on a de la traiter ne sont pas anecdotiques et ne renvoient pas principalement (ou pas seulement) à l'ethos du grammairien, plus ou moins réformateur ou conservateur. Elle engage de manière plus ou moins explicite l'idée qu'un grammairien se fait de la scientificité de sa discipline. C'est pourquoi, après, dans une première partie, avoir rappelé les traits généraux des trois entreprises grammaticales que j'ai choisi d'examiner (I), je m'arrêterai sur la question générale de la scientificité réelle ou supposée, atteinte ou simplement recherchée de la description/interprétation grammaticale et du rôle de la terminologie dans la prise en compte de ce critère de scientificité (II), avant d'en venir aux caractéristiques terminologiques des trois entreprises en question (III). Reflections on French linguistic terminology in the light of some great grammatical syntheses of the 20th century This contribution aims to confront the terminological innovations observable in three major grammatical syntheses of French covering the twentieth century and situated between works with very strong theoretical foundations and grammars with a purely descriptive aim: the Essay of grammar of the French language by Damourette and Pichon, Tesnière's Elements of Structural Syntax and Wilmet's Grammaire critique du français.
doi:10.17234/sraz.65.3
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