Richard E. Barton, Lordship in the county of Maine, c. 890-1160

Florian Mazel
2006 Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest  
L'ouvrage de Richard Barton constitue la version allégée de sa thèse de doctorat, soutenue devant l'Université de Santa Barbara (Californie), hélas amputée par l'éditeur de ses annexes documentaires. Il faut d'abord souligner quel grand plaisir procure le fait de voir l'obscur passé de la vieille Europe continuer de susciter outre-Atlantique l'intérêt de chercheurs passionnés et souvent talentueux, combien aussi les questionnements qui les animent apportent un vent d'air frais dans nos débats
more » ... anco-français ou européens ; et cela d'autant plus que R. Barton a l'élégance de choisir une échelle et un genre historiographique, la monographie régionale -ici l'ancien comté du Maine -, typiquement français et fort peu à l'honneur en Amérique. À ce titre et sur bien des sujets qu'il aborde, le propos de R. Barton, tout en apportant son lot de solides mises au point érudites, apparaît revigorant. Il n'en comporte pas moins, à nos yeux, un certain nombre de faiblesses et de facilités qui en altèrent l'efficacité. Le livre est porteur d'une véritable thèse, celle de la forte continuité du dominium aristocratique, dans son contenu comme dans son exercice, entre la fin du IX e et la fin du XII e siècle, un problème qui demeure d'actualité en dépit de la lassitude et de la confusion qui règnent souvent aujourd'hui parmi les chercheurs français à ce sujet. L'auteur affiche de manière résolue et explicite un positionnement historiographique très marqué, qui le rattache au courant de l'anthropologie juridique anglo-saxonne et à certains de ses prolongements français, en l'occurrence les travaux de Dominique Barthélemy. Rejetant toute approche « institutionnelle », il entend démontrer l'inutilité de la thèse d'une forte mutation socio-politique autour de l'an mil, en dépit de l'indéniable processus de décentralisation du pouvoir (du roi au duc des Francs, du duc au comte, du comte aux châtelains...) qui touche le Maine comme le reste du royaume de France. Parallèlement, il s'attache à souligner le primat des éléments « charismatiques » (le concept wébérien est ici laïcisé) de la seigneurie, à savoir le primat du prestige personnel, de l'approbation des pairs, des liens d'amitié, sur toutes les autres formes de liens politiques et sociaux (la vassalité, la parenté...). Le propos se déploie à travers huit chapitres : le premier définit les grands cadres politiques entre 850 et 975 ; le second étudie la rivalité entre le comte et l'évêque jusqu'au milieu du XI e siècle ; les troisième et quatrième chapitres décrivent le pouvoir comtal (ses fondements matériels et symboliques, la question des relations de fidélité et de l'entourage du comte) ; le cinquième traite de l'articulation des dimensions « publique » et « privée » au sein de la seigneurie (la justice, les châteaux, les coutumes) ; les sixième et septième de la violence et des conflits ; le huitième chapitre envisage enfin le problème de la féodalité stricto sensu.
doi:10.4000/abpo.844 fatcat:3xlez2tltfctthbzgjfnz47yv4