Gauthier Aubert, Les révoltes du papier timbré (1675). Essai d'histoire événementielle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 718 p., ISBN 978-2-7535-3251-9
Michel Cassan
2017
Revue d'histoire moderne et contemporaine
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... e et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Cet ouvrage collectif reprend seize contributions d'un colloque tenu en 2010. L'introduction, synthétique et très claire, envisage la diversité des régimes de propriété non pas pour en proposer une définition positive, mais sous l'angle de leur négation. Sont en effet examinés des cas d'expropriation, au sens où il s'agit d'appropriation de biens privés par la puissance publique. Les confiscations, qui sanctionnent la faute pénale d'un individu, sont elles aussi explicitement envisagées, mais restent cependant très minoritaires dans les présentations et peu analysées. Refusant tout schéma simpliste, le livre s'inscrit dans une tendance historiographique qui cherche à complexifier la description canonique d'une marche vers la propriété individuelle absolue que la Révolution française aurait sacralisée, et conteste l'idée du passage d'un régime placé sous le signe de la multiplicité, du feuilletage et de la propriété dissociée, à un régime binaire distinguant uniquement le propriétaire du non-propriétaire. Depuis la parution de ce livre, la bibliographie s'est d'ailleurs nettement enrichie sur ces thématiques. Il en résulte cependant un aspect d'éclatement qui ne facilite pas la synthèse. Dans la grande majorité des cas, les atteintes portées à l'ordre propriétaire sont justifiées par le bien commun. C'est ici la rhétorique fondant le droit d'intervention que s'arroge la puissance publique (Cité, État, etc.), soit pour la construction d'équipements utiles à tous -bureaux pour loger les administrations (C. Conforti et F. Funis pour la Florence du xVi e siècle), chemin de fer, etc. (N. Ridolfi pour les Abruzzes) -soit pour le châtiment d'un coupable. A. Monti retrace rapidement l'évolution de cette confiscation judiciaire dans le droit d'Ancien Régime, en soulignant que les difficultés principales proviennent moins des droits du coupable lui-même que de ceux de ses ayants-droit, à commencer par ses enfants et sa femme. Reste que l'étendue réelle des confiscations pratiquées sur les condamnés, de même que le traitement par la justice de la solidarité des proches, ne font l'objet d'aucun article spécifique. L'inquisition espagnole n'est pourtant pas avare de ces procédures, minutieusement étudiées, de même que la justice anglaise, lorsqu'elle se penche sur le sort des riches catholiques. On pourra également regretter l'absence de contribution sur la saisie des biens des faillis par leurs créanciers privés (ou même par le fisc), procédures qui existent partout et sont repérables dans les archives. C'est bien par une saisie consécutive à une banqueroute que le Palazzo Marino entame une longue carrière dans les archives publiques milanaises (M. Forni). Le discours proclamé de l'utilité collective de la cité est fréquemment articulé à des buts politiques plus ou moins clairement explicités, qui visent généralement la réorganisation du corps social : l'Italie fasciste contre les juifs, la Révolution contre les nobles émigrés, le royaume de Naples du xix e siècle contre les barons pour conforter une classe paysanne favorable au régime (P. Nardone). La prédominance de ces projets politiques n'exclut pas les contingences liées aux nécessités immédiates, le ravitaillement des troupes en guerre par exemple (F. Delleaux). Comme le montre l'exemple de la banque d'Italie dans la Libye postcoloniale, dont le statut privé ou public est minutieusement discuté (D. Strangio), les expropriations interrogent le périmètre et la définition de la communauté concernée, de même que sa capacité à tenir différentes catégories de biens.
doi:10.3917/rhmc.642.0230
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