Faut-il laisser notre sexe au vestiaire?
Diane Lamoureux, Micheline De Sève
1989
Politique
Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Faut-il laisser notre sexe au vestiaire? » Diane Lamoureux et Micheline De Sève Politique, n° 15, 1989, p. 5-22. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/040617ar Note : les règles d'écriture des références
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... bliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 13 février 2017 04:53 La science politique a-t-elle un sexe? Poser la question, c'est un peu y répondre. Car qui songe à y réfléchir sinon celles qui se sentent lésées par son sexisme? Plusieurs raisons peuvent nous amener à en conclure au sexisme; elles se résument cependant toutes dans celles-ci: en omettant de penser les rapports entre les sexes comme rapports de pouvoir, en occultant la dimension sexuée de ce dernier, la science politique est sexiste. Soit elle refuse de considérer les rapports de sexe comme rapports de pouvoir, les renvoyant à une infrapolitique qui sert de caution à un refus d'examen de la question 1 ; soit elle refuse de considérer les femmes comme catégorie sociale d'analyse, les ravalant -au mieux -à un statut de variable ou d'exception à la règle, 1. Pourtant Aristote, peu suspect de féminisme, commence Le Politique par une analyse du pouvoir domestique. Ce n'est cependant que pour mieux montrer comment les rapports domestiques, parce que fondés sur la nécessité et non la délibération, ne relèvent pas du politique. 6 POLITIQUE, 15 masculine il va sans dire. Aussi banal que puisse être le constat, il est important de le rappeler puisque bon nombre de praticiens (et, hélas!, de praticiennes également) de la science politique refusent de l'admettre. La recherche des «coquilles» sexistes dans la plupart des manuels d'introduction à la discipline nous donnerait à elle seule un tableau de chasse bien garni. Nous ne prendrons qu'un seul exemple, le Traité de science politique 2 , dont la première édition date de 1985. Dans le premier tome, il est encore question de suffrage universel lorsqu'on veut parler de la disparition du cens électoral, comme si seuls les hommes participaient de l'universel. Plus loin, dans le débat sur la scientifîcité et l'objet de la discipline, il n'est aucunement fait mention des critiques soulevées par les féministes, les seuls interlocuteurs ayant droit à la parole dans ce débat étant des hommes, à quelques exceptions près. Par ailleurs, dans le tome 3 on néglige complètement l'apport des études féministes dans les débats sur la participation politique et le relatif renouvellement de ce champ d'analyse sous l'influence de chercheures féministes. Nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails, mais cela illustre le relatif aveuglement de la science politique par rapport à son sexisme. Faut-il en déduire pour autant que la critique féministe est à l'origine d'une méthode féministe dans la discipline? Pas encore, dirions-nous, et nous irions même jusqu'à penser: surtout pas! Le féminisme nous semble un outil de critique sociale qui tire sa force du côté polymorphe de sa démarche. S'il opère par déconstruction, ce n'est pas pour substituer un nouveau savoir positif à celui en place. Le féminisme tire sa force d'une problématique, de sa volonté d'introduire partout un questionnement qui tienne compte de la réalité vécue par la moitié féminine de l'humanité. Mais cette moitié étant de facto aussi diversifiée que son pendant masculin, cela implique une réponse nécessairement non univoque aux questions posées. Il s'agit précisément d'en découdre avec le simplisme réducteur d'une définition de l'éternel féminin qui exclurait les femmes du terrain 2. Ouvrage collectif sous la direction de Madeleine Grawitz et Jean Leca, paru au PUF, en 4 tomes.
doi:10.7202/040617ar
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