Les ambiguïtés du Dégel

Anne Kropotkine
2006 Cahiers du monde russe  
Que faire du patrimoine culturel ? C'est à la fin des années soixante qu'est créé « l'Anneau d'or », itinéraire touristique reliant entre eux des monuments de la Russie ancienne 1 , pour la majorité des églises et des monastères. Quelques années auparavant, sous HruÒ©ev, de nombreux édifices religieux font encore l'objet de destructions, de transformations ou d'abandons. L'époque du Dégel, caractérisée par une politique architecturale très modernisatrice et un regain de la lutte
more » ... semble donc peu propice au développement de la sauvegarde et de la restauration de ce type de monuments considérés, depuis la Révolution, comme des vestiges d'un passé que l'on tend à gommer ou comme de simples curiosités architecturales n'intéressant qu'un petit nombre de spécialistes. Or, paradoxalement, la période khrouchtchévienne constitue une étape importante de la prise de conscience patrimoniale de la société soviétique vis-à-vis des monuments de la Russie ancienne. En effet, dans un contexte de revalorisation du passé et de la culture russe, et d'attention plus grande portée au patrimoine culturel en général -suite à la Seconde Guerre mondiale et ses multiples destructions -ces monuments, menacés de disparition ou de décrépitude, suscitent un intérêt croissant dans diverses couches de la société souvent gagnées par un sentiment nostalgique, voire passéiste ; ils acquièrent également davantage de légitimité auprès des autorités qui ne tarderont pas à instrumentaliser ces biens culturels -devenus explicitement des monuments de la culture nationale -à des fins patriotiques et touristiques, tout en omettant leur dimension religieuse. Précisons que certaines caractéristiques de notre champ d'étude impliquent de dépasser le cadre chronologique strict du Dégel 2 . Ainsi, l'analyse de la décennie 1. Sont considérés monuments de la Russie ancienne, les monuments construits entre le X e et le XVII e siècles. Voir Véra Traimont, Architecture de la Russie ancienne, tome 1: X e -
doi:10.4000/monderusse.3802 fatcat:u6vrkmc3ejbovh7r6leemt3pcy