Dila'
M. Peyron
1995
Encyclopédie berbère
Nom d'une zawiya du Maroc central fondée vers 1566 par le ššix Abu Bakr ben Muḥammad El Mejjati Es-Ṣanḥaji (1536Es-Ṣanḥaji ( -1612)). Le site exact, longtemps contesté, se trouverait à proximité des qṣur de M'ammar à 10 kilomètres au Sud-Est d'Ayt Isḥaq ; par la suite, une deuxième zawiya plus importante sera édifiée à Ayt Ishaq même. Cinq siècles après l'épopée des Almorávides, Dila' fut, pendant une courte période le centre spirituel et temporel d'un véritable état berbère, qui marqua, en
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... que sorte, une tentative avortée de restauration ṣenḥaja (Michaux-Bellaire, 1927). Les marabouts de Dila', d'abord encouragés par les souverains sa'adiens, dont les intérêts étaient servis par la doctrine « Chadili-Jazuli » qu'ils enseignaient, se créèrent en un premier temps une solide réputation basée sur leur prestige religieux, leur générosité, ainsi que leur aptitude à dénouer des différends de pacages entre pasteurs transhumants imaziġen du Moyen-Atlas (Brignon et al., 1967, 255). Ces derniers représentaient l'essentiel de leur clientèle, d'autant plus que les Dilaïtes euxmêmes étaient issus de ce milieu. Figuraient alors dans l'orbite de Dila'les tribus de la confédération Ayt Idrassen, à savoir : les Mejjat, Ayt Nḍir (Beni Mtir), Ayt Sadden, Ayt 'Ayyaš, Ayt Yummur, Ayt Wallal, Ayt Wafella, et Imelwan. Il y avait là un formidable réservoir de main d'oeuvre guerrière qui n'allait pas tarder à être exploité. Du temps du premier ššix, cependant, ainsi que sous son successeur, tous deux tenants du conformisme soufi, le zawiya se cantonna dans ses fonctions classiques d'enseignement coranique, d'arbitrage des conflits, et d'hospitalité aux voyageurs. Au fil des années, cependant, en s'appuyant sur « un tissu de liens organisationnels pré-existants » (Mezzine, 1987, 322), et renforcés par des pactes de protection tribale du genre tayssa, s'était façonnée une véritable trame de solidarité et d'entraide, laquelle, débordant le cadre du seul Moyen-Atlas, englobait l'ensemble du pays amaziġ, y compris la Haute Moulouya et le Haut-Atlas oriental jusque sur son versant sud. Bien que ne manifestant un intérêt relatif envers les choses de ce monde, les marabouts ne pouvaient dédaigner les avantages matériels que devrait leur procurer une emprise spirituelle sur ces régions, par lesquelles transitait le fructueux commerce saharien, dont le Tafilalt était le principal gîte d'étape. D'où les liens qu'ils établirent dans cette grande Dila' Encyclopédie berbère, 15
doi:10.4000/encyclopedieberbere.2260
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