Histoire et philologie tibétaines
Charles Ramble
2017
École pratique des hautes études Section des sciences historiques et philologiques Livret-Annuaire
Les textes examinés l'année dernière ont servi de base aux conférences de cette année, et tout particulièrement un manuscrit non daté que nous avons photographié au Népal en 2008. Il fait partie d'un vaste recueil de textes rituels en la possession d'un prêtre héréditaire Bonpo, Lama Tshultrim, qui habite le village de Lubrak, dans la région de l'Annapurna au Népal. Le recueil est intitulé sTon pa gshen rab kyis gsung[s] pa'i sri mnan khyad par can, « Rituel exceptionnel de subjugation de
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... e enseigné par sTon pa gshen rab » (désormais abrégé comme Sri mnan khyad par can). Bien que le texte ait un « air de famille » avec d'autres textes bouddhistes et bonpo déjà examinés, il présente d'importantes différences. Ce manuscrit représente la seule version que nous ayons de ce texte. La section principale, composée de 35 folios écrits sans en-tête (dbu med), est suivi de trois textes subsidiaires : le premier et le second portent le même titre, God sri mnan pa, « Rituel pour subjuguer les vampires d'épizoötie », mais diffèrent par leur longueur (5 folios et 11 folios) et leur contenu. Le troisième est intitulé Chung sri mnan pa « Rituel pour la subjugation des vampires des nourrissons » (6 folios). La première section est considérée comme gzhung, texte principal, tandis que les autres sont des textes auxiliaires qui doivent être récités si le but du rituel est d'exorciser ces catégories particulières de vampires. Le texte présente le caractère obscur que nos auteurs bouddhistes érudits considèrent comme typique des « prêtres bon-maîtres de maison », et nous ne pouvons qu'être d'accord avec eux. Cependant, contrairement à ces savants, nous proposons l'hypothèse que ce manque de clarté pourrait provenir non pas de la déformation progressive d'un archétype qui aurait été soigneusement structuré à l'origine, mais plutôt de la possibilité que l'oeuvre présente un style ou un genre plus archaïque dont ces érudits ne sont pas familiers. Parmi les caractéristiques de ce texte qui en entravent la compréhension, on peut noter l'aléatoire apparente des formes verbales : il n'y a souvent pas de temps (conjugué) ; il n'y a parfois aucune indication sur l'agent ; la rareté des particules grammaticales oblige le lecteur à fournir lui-même la syntaxe ; la relation entre les épisodes est énigmatique. Certaines de ces caractéristiques -en particulier syntaxiques -ont été notées à propos de la littérature orale dans la région himalayenne. Le manque de liens grammaticaux donne plus d'autonomie à la versification, les vers pouvant être réarrangés plus aisément par le barde pour créer des combinaisons innovantes. Cette caractéristique a également été notée par Albert Lord
doi:10.4000/ashp.2007
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