À propos du témoignage de Grégoire de Nazianze sur le concile de Constantinople (mai-juillet 381) aux vers 1750-1755 du De uita sua
Francis GAUTIER
2005
Revue d' Etudes Augustiniennes et Patristiques
Peu après son investiture comme évêque de la capitale par le concile de Constantinople, Grégoire de Nazianze, du fait du décès subit de Mélèce -qui présidait en tant que doyen d'âge -et en sa qualité d'hôte du concile, en assuma la présidence. Ce fut pour voir bientôt ses avis ignorés, puis son investiture episcopale contestée pour cause de transfert et l'offre de démission qu'il fit alors acceptée avec empressement. Dans le De uita sua, il déplore, avec les ralliements opportunistes à Nicée
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... quels il a ouvert la porte, l'accord théologique selon lui factice auquel la recherche du consensus le plus large a conduit le concile 1 . Ses réserves, puisque pour le reste le credo de Nicée y a été confirmé 2 , portent sur la formule choisie pour en étoffer la profession de foi en l'Esprit : « le Seigneur, le vivificateur, qui procède (exTropeuófjievov) du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père, qui a parlé par les prophètes 3 ». Le Nazianzène s'emploie ensuite à s'affranchir de la responsabilité qu'impliquait sa présidence en invoquant son manque d'autorité réelle dans les débats et la maladie qui l'aurait tenu à l'écart des séances 4 . Ce désaveu laisse entendre que son offre de démission n'avait pas visé à couper court à l'infamie d'une déposition, mais 1. P. 2, 1, 11, v. 1703-1732 et 1733-1738 (cf. 1756-1759), respectivement. Saluons l'édition critique de d'A. Tuilier et G. Bady récemment publiée aux Belles Lettres, traduite et annotée par Jean Bernardi. Quant aux passages auxquels on se réfère dans cet article, cette édition ne diverge que très marginalement, et sans incidence significative, de celle de Chr. Jungck, Gregor von Nazianz, De vita sua (Carmen 2,1,11), Heidelberg, 1974. 2. Les conciles oecuméniques de Nicée à Latran, vol. 2, Les Décrets, dir. G. ALBERIGO et ahi, éd. française, Paris 1994, p. 72-73 ; M. SlMONETTl, La crisi ariana nel TV secolo, "Studia Ephemeridis Augustinianum" 11, Rome, 1975, p. 538-539, n. 33. Quant aux deux premiers articles, une seule précision fut apportée à Nicée : « le règne du Christ n'aura pas de fin » (Le 1,33). 3. H. DENZINGER, Enchiridion symbolorum : symboles et définitions de la foi catholique, Paris, 1996, p. 150. Lettres théologiques, II, 2-3 atteste de ces réserves. 4. P. 2,1,11, v. 1739-1744 et 1745-1749, respectivement. -motif infiniment plus honorable -aurait tenu à un désaccord de fond sur le consensus théologique qui se dessinait. C'est alors que Grégoire excuse certains évêques ("pneumatophiles", c'est-àdire attachés à la divinité de l'Esprit Saint) d'avoir souscrit au troisième article, dans un passage passablement obscur dont la traduction est inséparable de l'interprétation 5 : 1750 TLvèç (JL£V yjcrav ol (BLa (iiv xal (JLoycç, àXX'ouv owrjX&ov, olç xc (JLST^V 7iapp7]crcaç, ôaoïç àyvoia xou xaxou auvrçyopoç TYJ SL7IX6Y] xXaTieLCTt, TCOV 8iSayfxaTo<)v TO x'èv [xéa(p xiqpuyfjia zùozfiûç ex,ov, 1755 TOXOÇ TsxovTwv 7iavT£X(oç àXXoxpcoç. 6 Qu'on en juge par les divergences entre les traductions : A. M. RITTER, Das Konzil von Konstantinopel und sein Symbol, Göttingen, 1965, p. 255-256 : « Nun gab es einige (unter den Synodalen), die nur gezwungenermaßen und widerwillig (an den Sitzungen) teilnahmen und wenigstens noch über einen Anflug von Parrhesia verfügten. Ihnen allen kann die Unkenntnis des Bösen zur Entschuldigung dienen. Denn sie ließen sich tauschen durch die Doppeldeutigkeit der Lehren und meinten, daß die vermittelnden Lehraussagen nicht gegen den rechten Glauben verstießen, obwohl doch das Kind in nichts seinen Erzeugern glich. » ; Chr. JUNGCK, op. cit., p. 139 : « Es waren da zwar einige, die nur gezwungen und ungern, aber immerhin den Versammlungen beiwohnten, von denen man ein freies Wort erwarten konnte. Sie entschuldigt die Unkenntniss des Unheils, denn sie wurden durch die Zweideutigkeit der Lehren getauscht, auch verstieß, was öffentlich verkündigt wurde, nicht gegen den rechten Glauben, ein Erzeugniss, das mit seinen Erzeugern nicht zu tun hatte » ; C. WHITE, Gregory of Nazianzus, Autobiographical Poems, Cambridge, 1996, p. 139: « Some men there only took part under pressure and unwillingly,/ yet did so nevertheless : they were quite openminded,/ but their ignorance of the problem was an excuse,/ for they were deceived by the enigmatic nature of the teachings/ and by the fact that the official line, being moderate, seemed orthodox,/ despite being an offspring completely unlike his parents » ; A. LUKINOVITCH, Grégoire de Nazianze, Le dit de sa vie, Genève, 1997, p. 241 : « Il y avait, c'est vrai, des gens qui, même forcés et de mauvais gré/ étaient néanmoins venus, des gens dotés d'une certaine liberté de parole,/ que leur ignorance du mal excuse de s'être laissé tromper par l'ambiguïté des commentaires ;/ il y avait aussi, conforme à la vraie foi, la proclamation officielle :/ enfant qui ne ressemblait en rien à ses parents » ; J. BERNARDI, Saint Grégoire de Nazianze, OEuvres poétiques. T. I : Poèmes personnels, II, 1, 1-11, Paris, 2004, p. 128 : « Il y en avait qui s'étaient joints à moi ; ils l'avaient fait par force/ et avec peine, mais ils l'avaient fait et ils avaient l'habitude de parler librement./ Leur ignorance du mal les excuse,/ car ils s'étaient laissé prendre au double langage des enseignements professés :/ ce qui était proclamé publiquement était conforme à la piété, mais le fruit était tout différent de ceux qui lui avaient donné le jour. » 6. P. 2, 1, 11, v. 1750-1755 , éd. Chr. JUNGCK, p. 138. Seule divergence, sans grande incidence, au vers 1751, l'édition d'A. TUILIER et G. BADY, op. cit., p. 128, opte pour la leçon du Parisinus gr. 1277 et du Laurentianus pluteus VII, 2 : olç [XSTYJV 7rappY]aLa.
doi:10.1484/j.rea.5.104903
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